Accueil > Non classé > 20L209: CONVIVIALE D&S AVEC PHILIPPE GAUDIN LE 5 NOVEMBRE 2024 Résumé des points saillants par Marcel LEPETIT et Sébastien DOUTRELIGNE

20L209: CONVIVIALE D&S AVEC PHILIPPE GAUDIN LE 5 NOVEMBRE 2024 Résumé des points saillants par Marcel LEPETIT et Sébastien DOUTRELIGNE

CONVIVIALE D&S AVEC PHILIPPE GAUDIN LE 5 NOVEMBRE 2024

 

Résumé des points saillants par Marcel LEPETIT et Sébastien DOUTRELIGNE

 

Durant ces échanges de 2h30 et de grande intensité, on peut noter deux traits marquants dans les interventions de Philippe Gaudin :

1/ Son effort pour se mettre en résonance avec le livre de D&S Laïcité et Spiritualité, suite à notre 1ère question : « Pourquoi ce silence sur le terme ‘spiritualité’ dans son ouvrage Tempête sur la laïcité (2018) ? ».  Face à cette interpellation, il fait d’abord un bel effort pour dégager ce qu’il appelle les 4 approches dégagées par notre livre et qui justifient ce qu’il a appelé « une revendication de spiritualité ». Il en est de même pour la question : « peut-on réconcilier spiritualité et laïcité ? ». Même si sur ce point, il a paru plus réservé, voire plus sceptique.

2/ Une série de mises à distance provenant à la fois de sa réflexion d’historien et de son expérience professionnelle de professeur et d’accompagnateur dans les quartiers populaires ou en prison.

Développons a minima nos deux remarques préliminaires :

1 – Son regard et son interprétation des 4 approches qu’il a dégagées de sa lecture du livre pour justifier ce qu’il a appelé « une revendication de spiritualité ».

1.1 – « La valorisation de l’autonomie individuelle. On cherche pour soi-même une norme de conduite, dans un esprit de liberté : se donner à soi-même sa propre loi ».

1.2 – « Une conception humano-centrée du religieux (…) à distance des Églises qui craignent la mise en cause de la transcendance, avec l’idée de l’homme capable de devenir Dieu ». « Pas forcément une mauvaise chose » pour Philippe Gaudin.

1.3 – « L’accomplissement de soi dans la vie présente, exemple d’incarnation de la spiritualité ». Il en trouve une preuve dans son propre accompagnement d’aumôniers de prison, dont il estime que la mission revient à soulager la souffrance des détenus. C’est par là qu’il semble comprendre que « la revendication du religieux au sens du spirituel est une ressource indispensable pour les croyants » qui s’intéressent à la vie « ici et maintenant ».

1.4 – « Une vision holistique de l’univers » pour dire sans doute que la vision scientifique n’épuise pas la signification du monde. A ce propos, Philippe Gaudin prend l’exemple de la santé, estimant que : « nous savons bien qu’(elle] dépend de notre vie relationnelle, psychologique et spirituelle ».

Concernant la question : « peut-on réconcilier spiritualité et laïcité ? », il nous oblige à reconnaître que « le chemin proposé par D&S est difficile car les religions sont jalouses de la question spirituelle. « Elle représente un bienfait en termes de ressources de sens, mais elle implique une perte des droits d’auteurs », nous dit-il.

Mais aussitôt, il ajoute que nous appartenons à un « petit club de moyenneurs » (1) (dans lequel il semble se reconnaître lui-même), que je traduirais par « médiateurs », ou mieux « tiers intervenant », « tiers de confiance » dans le langage d’aujourd’hui.  Même si les « moyenneurs » risquent toujours de « se faire écrabouiller » entre un versant surinvestissant la « séparation » entre les cultes et l’État et un versant dénonçant la trahison de l’esprit de la laïcité, l’islamophobie galopante, l’appropriation politique de la laïcité, …

  1. Par ailleurs, il faut insister sur les pas de côté (bienvenus de notre point de vue) que Philippe Gaudin a effectués tout au long de cette conviviale.

D’abord sa fresque historique des 30 dernières années pour montrer la profondeur du problème que la France rencontre avec la montée du fait musulman. Dans ce temps long, il fait se croiser deux courbes :

2.1 – L’effondrement du Mur de Berlin (1989) dans le monde occidental, avec sa thèse affirmant que « le socialisme s’est effondré comme religion de substitution articulant théorie et pratique ». Par là il met en relief deux faits structurants : le fait que la force des religions c’est précisément l’articulation entre croyance et engagement dans le concret de la vie ; et que le système socialiste était une promesse (une autre forme de salut) (2) qui a mis en mouvement des millions et des millions de « prolétaires », pour reprendre le mot de Marx, dans le monde entier, et pas seulement en occident.

  1. – Le fait que la question de l’islam a depuis une trentaine d’années réveillé la question de la laïcité, avec « une identité religieuse musulmane comme vecteur de cohésion sociale et politique et de combat contre des ennemis ». Elle ne comporte donc pas que des perspectives pacifistes. L’islam radical de la fin du XXe et du début du XXIe est issu du frérisme (le mouvement des Frères musulmans), né dès le début du XXe pour « dominer les dominants ». Ce qui avait complètement échappé jusqu’à une date récente aux occidentaux, anciens colonisateurs de larges territoires musulmans.

Philippe Gaudin évoque également à deux reprises la question de la criminalité, pointant le climat violent qu’elle impose ainsi que ses porosités avec des tendances étant contre la République.

Concernant le tableau religieux de la France d’aujourd’hui et les lacunes de l’enseignement du fait religieux à l’école, il a semblé que Philippe Gaudin partageait l’essentiel de nos constats et de nos propositions, tels que présentés dans le livre. Il déplore qu’en la matière, la formation des professeurs ne soit pas uniforme et dépende des rectorats.  Il semble également indiquer que le grand défi pour l’école de demain est de considérer la dimension spirituelle des élèves, arguant que « seule une révolution peut nous tirer d’affaire ».

Dans cette perspective, il propose de remplacer le programme d’enseignement moral et civique par un nouveau programme articulé autour de la notion de vertu :  quatre vertus « cardinales » (la prudence, la justice, la force et la tempérance, qui peuvent être associées à la sagesse) et trois vertus « théologales » (foi, espérance et amour)(3).

Se référant à Henri Bergson qu’il affectionne particulièrement, Philippe Gaudin voit par ailleurs advenir une religion « statique » et écologique, punitive (en tant qu’imposant une règle commune à tous), tempérée par la mystique, présente dans toutes les traditions religieuses.

 

1/ « S’entremettre, servir quelqu’un auprès d’un autre, l’accommoder (…) Le Pape doit moyenner la paix entre les Princes Chrétiens. Les bonnes œuvres servent à moyenner notre salut. Il faut avoir un patron qui puisse vous moyenner les emplois, les grâces, les récompenses ». Définition de « moyenner » donnée par le dictionnaire universel de Furetière (1690), cité par Le Robert

2/ À rapprocher des cinq familles spirituelles de l’Europe («  le christianisme,  le judaïsme, l’islam, le socialisme et la libre pensée »), citées par Dominique Wolton dans son dialogue avec le pape François, page 128 in Politique et société, Éditions L’observatoire, 2017

3/  Proposition élaborée – nous a-t-il dit – avec le groupe des anciens étudiants d’Emouna (espace de dialogue interreligieux entre traditions différentes créé par Sciences Po Paris)

 

A propos Régis Moreira

Sur le même thème...

17L209: Les spiritualités, un bien commun pour l’action ? par Jean Baptiste De Foucauld

  Les spiritualités, un bien commun pour l’action ?   Pour qu’il en soit ainsi, ce qui …

 

En continuant votre navigation, vous acceptez que ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Plus d'infos

En poursuivant votre navigation, vous consentez nous autoriser dans le but d'analyser notre audience et d'adapter notre site internet et son contenu pour qu'il réponde à vos attentes, que nous utilisions Google Analytics, service susceptible d'installer un ou plusieurs cookies sur votre ordinateur.

Fermer