L’utopie des uns, fait la dystopie des autres.
L’utopie des uns, fait la dystopie des autres.
Un internaute anonyme
Comment lutter contre le RN ? Comment éviter l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle ? A l’évidence, le rappel des origines pétainistes du Front national ne suffira pas. Encore moins de s’agiter sur sa chaise comme un cabri en criant « Danger ! Danger ! Danger ! ». Parmi les moyens, même si cela ne suffira pas non plus, il est important de décrypter les projets du RN et de mettre en évidence leurs conséquences. Autrement dit prendre au sérieux son discours politique.
A cet égard, j’ai dit ici tout le bien que je pensais du tract de Pierre Yves Bocquet “La ‘Révolution nationale’ en 100 jours, et comment l’éviter” s’appuyant sur une analyse juridique du projet de « coup d’Etat constitutionnel » que nous prépare la fille du fondateur du FN. Avec leur « Marine Le Pen présidente » Guillaume Hannezo, Hakim El Karoui et Thierry Pech proposent, eux, une dystopie politique : un « récit de fiction qui décrit un monde utopique sombre », selon la définition oxymorique du Robert. Un peu à la façon de Michel Houellebecq décrivant il y a dix ans dans Soumission la façon dont un parti musulman remportait contre le Front national la présidentielle de 2022. De façon plus proche de l’essai politique mais aussi moins romanesque, moins littéraire.
La prophétie de l’agronome écrivain ne s’est pas réalisée et gageons que celle de nos trois déçus du macronisme ne se réalisera pas davantage . Mais il est intéressant de voir comment ils ont projeté, avec visiblement une certaine gourmandise, la mise en œuvre des politiques publiques annoncées par le RN une fois celui-ci arrivé au pouvoir. Avec quelques surprises sur les nominations au gouvernement de la nouvelle présidente de la République (passe encore que Wauquiez se retrouve Premier ministre, Bayrou était bien celui du président islamiste de Soumission), avec celle, par exemple, de Henri Proglio aux Finances. Surtout certains sont chargés de vider ces « boîtes d’économies » : Laure Lavalette pour les « cassos », Zemmour pour les « cultureux », Mariani pour les « étrangers », Bruno Bilde, le compagnon de Briois, pour les « bobos des villes et des banlieues », ou Louis Alliot pour les « immigrés ».
Il est difficile d’en dire beaucoup plus sans divulgâcher le scénario – avec quelques trouvailles, comme l’origine de la nouvelle crise financière, et quelques invraisemblances, comme son dénouement en forme de mise en abyme du livre lui-même ; mais il est intéressant de voir comment les auteurs ont traité la question posée par Pierre Yves Bocquet sur la réforme constitutionnelle. Ils s’appuient non sur une clarification de l’article 89 de la constitution mais sur la nomination par Emmanuel Macron dans « un rare mouvement de sagesse, (où) il avait évité (…) de considérer le job comme un évêché rétribuant les collaborateurs méritants et de choisir d’anciens politiciens à la culture juridique inégale pour juger les lois qu’ils avaient parfois eux-mêmes fait voter » pour remplacer Laurent Fabius d’une professionnelle certes inconnue du grand public. Ce qui à l’évidence ne sera pas le cas. Au demeurant, si l’on suit le scénario des auteurs, il n’est pas sûr que le verrou proposé par Pierre Yves Bocquet empêche le coup d’Etat constitutionnel.
Paris, Croulebarbe, le 9 février 2025