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3L208: Le Bien Commun et la Coopération Internationale sont les Objectifs de la Bonne Gouvernance.

Le Bien Commun et la Coopération Internationale sont les Objectifs de la Bonne Gouvernance.

Professeur Jeffrey Sachs, Columbia University,
Discours au Forum Chinois pour la Démocratie

 

Ce forum pose des questions importantes sur la manière dont la gouvernance doit être mise en œuvre au 21ème siècle pour répondre aux besoins très complexes de la société moderne et aux besoins complexes d’un monde de 8 milliards d’habitants.

Je tiens à dire d’emblée qu’il n’y a pas de formule magique. Il n’y a pas d’ensemble unique d’institutions, il n’y a pas de modèle unique de bonne gouvernance que l’on puisse appliquer à chaque endroit parce que chaque pays a sa culture politique, ses orientations et ses besoins spécifiques, ses circonstances locales et historiques qui façonneront les institutions politiques. Mais je pense qu’il est juste de dire que les institutions politiques doivent remplir certaines tâches et responsabilités fondamentales. J’en mentionnerai six très brièvement.

Premièrement, un gouvernement doit être fondé sur une orientation cohérente vers le bien commun. Cela peut sembler évident, mais de nombreux gouvernements ne sont pas orientés vers le bien commun, ils sont orientés vers des intérêts très étroits, peut-être les intérêts de l’élite, les intérêts des riches, les intérêts d’une partie de la société.

Deuxièmement, le gouvernement doit honorer la justice procédurale. Cela signifie l’État de droit. C’est-à-dire qu’il faut traiter les gens de manière systématique dans le cadre des méthodes judiciaires ou législatives afin d’éviter les abus de pouvoir, les discriminations individuelles et les abus qui nuisent à la qualité de notre communauté politique.

Troisièmement, les gouvernements devraient avoir la capacité de réaliser non seulement la justice procédurale, mais aussi la justice matérielle, ce qui signifie en partie créer les conditions économiques permettant aux gens de satisfaire leurs besoins dans l’ensemble de la société. Pour répondre aux besoins économiques de la société, le gouvernement a besoin de capacité, de professionnalisme, de capacité à planifier, de capacité à comprendre l’évolution des besoins, qu’il s’agisse de défis environnementaux ou de changements technologiques. La capacité des gouvernements, leur expertise, leur planification orientée vers le bien commun, sont donc des éléments essentiels d’une gouvernance décente et nécessaire.

Un quatrième volet de la bonne gouvernance consiste, selon moi, à encourager les vertus de la participation civique et les vertus individuelles de la population. Je veux dire par là que le gouvernement, par le biais de l’éducation publique et du bon comportement des dirigeants, devrait contribuer à encourager le bon comportement des citoyens – respect de la loi, générosité, altruisme, respect mutuel. Toutes ces vertus individuelles, ces vertus de modération, ces vertus d’attention aux autres doivent être encouragées au niveau communautaire et le gouvernement, par l’exemple, par une bonne éducation publique, par la mise en oeuvre de politiques de justice procédurale et substantielle, peut contribuer à imprégner la société de ces vertus.

Un cinquième point sur lequel je voudrais insister, en particulier dans nos sociétés diversifiées, est que les bons gouvernements doivent respecter et traiter les minorités au sein de la société avec décence, respect, justice procédurale et respect de la loi.

Nous avons des communautés diverses et dans ces communautés diverses, il y a des risques de discrimination, de conflits intergroupes et de haine, et il est crucial pour les gouvernements, en particulier dans les sociétés multiethniques, de veiller à ce que les groupes minoritaires soient traités avec décence, avec respect humain. Je pense que toutes nos sociétés doivent s’efforcer d’atteindre cet objectif.

Le sixième point de la bonne gouvernance que je voudrais souligner est la nécessité pour les gouvernements de traiter les autres nations avec respect, dans la paix, en étant prêts à dialoguer et à coopérer au niveau mondial.

Nous nous trouvons actuellement dans une période de stress géopolitique énorme, de stress très dangereux, avec une guerre chaude en Ukraine et des risques de conflits en Asie et dans d’autres parties du monde. Nous avons besoin que les principaux pays se parlent, coopèrent, agissent selon les normes de la diplomatie internationale, respectent la Charte des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, en d’autres termes que nos différentes nations se traitent de manière collégiale, respectueuse, diplomatique et, surtout, pacifique.

Je pense donc que la façon la plus importante de réfléchir à la gouvernance est de se demander quelles sont les conditions nécessaires à une bonne gouvernance. Quels sont les comportements que les gouvernements devraient respecter ? Pour atteindre ces objectifs, on peut utiliser des types d’institutions très différents et même les mêmes types d’institutions qui peuvent parfois bien fonctionner et d’autres fois mal fonctionner. Dans la société américaine, nos institutions politiques ne fonctionnent pas bien à l’heure actuelle, en partie parce que l’argent des campagnes électorales et du lobbying a corrompu une grande partie de notre système politique. Les institutions doivent donc être rénovées, elles doivent fonctionner correctement, elles doivent lutter contre la corruption des systèmes politiques eux-mêmes.

Un dernier mot que j’aimerais ajouter à propos de cette diversité d’institutions politiques mais de la nécessité partagée de se concentrer sur les intérêts communs, le bien commun, et d’une manière qui promeut la vertu, qui promeut la dignité humaine et qui promeut la coopération entre les nations, c’est que nous devrions nous inspirer de notre sagesse ancienne pour nous aider à réaliser ce type de politique vertueuse.

Dans la tradition occidentale, le premier et, je pense, le plus grand livre de science politique jamais écrit en Occident est celui d’Aristote, La Politique, qui remonte à 2 300 ans, et le volume qui l’accompagne est l’Éthique à Nicomaque. L’éthique et la politique ont donc été réunies dans la tradition occidentale.

Dans la tradition asiatique, Confucius a enseigné le comportement approprié des individus – comme l’a fait Aristote – le comportement vertueux et aussi le comportement vertueux des États ; il s’agit donc d’un type de tradition similaire. Je pense qu’il est extrêmement important pour nous de puiser dans ces traditions profondes – Aristote en Occident, le confucianisme et d’autres traditions – afin de trouver nos bases et de parvenir à une compréhension et à un respect mutuels.

La bonne gouvernance peut prendre de nombreuses formes, elle doit se fonder sur les traditions de sagesse profonde, sur l’histoire de l’art de gouverner, sur les cultures nationales, mais elle doit surtout viser le bien commun et la coopération internationale.

A propos Régis Moreira

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