Anselm Kiefer
J’ai lu trop rapidement la publicité du Louvre : « Revoir Van Eyck « car quand je me présente, dûment munie d’un billet d’entrée, c’est pour apprendre que l’exposition débutera dans un mois.
Tant pis, ce sera l’occasion rêvée de revoir des salles moins fréquentées. Dans l’escalier nord de la cour carrée du Louvre, Anselm Kiefer, plasticien allemand contemporain, expose trois œuvres : une peinture monumentale, Athanor, et deux sculptures, Danaë et Hortus conclusus. Henri Loyrette, le Président de l’établissement public en 2007, a voulu renouer avec une tradition un peu oubliée depuis le plafond de Braque en 1953 (un plafond peint par l’Américain Cy Twombly a été mis en place un peu plus tard) : faire entrer des œuvres contemporaines dans un lieu d’histoire.
L’œuvre représente un homme couché qui donne naissance à un tournesol, image de la résurrection, thème récurrent dans l’œuvre de Kiefer depuis les années 60. Athanor – mot d’origine arabe – n’est pas un dieu grec comme j’ai imaginé mais un four d’alchimiste, lieu de transformation. J’aurais dû m’en douter, le lieu se trouve entre les salles de Sumer et d’Égypte, l’idée de la résurrection est très présente dans l’art égyptien. Danaë est bien grecque, elle, grâce à Zeus elle a donné naissance à Persée et le hortus conclusus, le jardin clos du cantique des cantiques, sera plus tard le décor rêvé pour la Vierge Marie.
Tout cela est bien lourd à entendre et à regarder, très réfléchi, un peu trop ? Le cinéaste Wim Wenders a récemment tourné un film documentaire sur Anselm Kiefer. L’artiste a grandi dans l’Allemagne de l’après-guerre et vit en France – maintenant en région parisienne – depuis longtemps. C’est un honneur insigne pour un artiste contemporain d’avoir une place au Louvre, Anselm Kiefer surtout qui, à l’époque, n’avait pas hésité à se faire photographier en faisant le salut nazi devant ses œuvres – expliquant qu’il veut mettre en garde contre le risque de résurgence du totalitarisme…
Il expose dans le monde entier. Ces œuvres souvent très grandes, puissantes, à la couleur grise dominante, parlent de douleur, de souffrance, de transformation aussi et de l’espoir.
Il était donc tentant d’aller voir ses aquarelles appelées « érotiques » à la galerie White Cube (l’exposition est terminée). Finesse du dessin, délicatesse des couleurs, subtilité de la présentation – les œuvres présentées s’originent dans le Christianisme, les titres parlent d’extases de grandes saintes.
L’enracinement dans l’histoire semble donc être un des moteurs de l’œuvre d’Anselm Kiefer, une recherche constante, en quête de sens par l’ouverture à autrui, une manière de lutter contre toutes les régressions de notre époque. Je sens cela comme une disputatio, un débat entre le monde et lui, à l’image des discussions savantes du Moyen-Âge, à la fois formelles et digressives, sujettes à polémique. Les aquarelles montrent comme en miroir une femme en recherche d’équilibre, les jambes enroulées comme un serpent, presque mystique. Une vie entre drame et lumière comme le sont nos vies. M.W-S