Jean-Claude Devèze, le 28 mai 2023
Poursuivons le dialogue avec Patrick Viveret
Démocratie et spiritualité, sur l’initiative de Monika Sander, a eu l’heureuse initiative de proposer à Patrick Viveret le 27 juin au soir de poursuivre le dialogue entamé par la diffusion dans notre Lettre de son texte intitulé « Amour ou pouvoir ? ». Patrick nous a expliqué comment sa contribution s’inscrivait dans l’écriture d’un livre en chantier sur la métamorphose, en particulier en politique, avec l’idée de dépasser la notion de transition qui ne va pas assez en profondeur pour relever les
défis actuels.
Il me semble important de creuser l’idée de métamorphose dans le cadre de la problématique que nous partageons sur l’importance des interactions « transformations personnelles – transformations sociales » pour affronter les mutations en cours. Patrick, en lien avec la pensée d’Edgar Morin, privilégie le concept de métamorphose ; pour ma part, je préfère parler d’une part de conversions pour nos transformations personnelles et d’autre part de réinventions pour nos transformations sociales. Le mot conversion pour certains présente l’inconvénient d’être connoté religieusement ;
refusant de subir la pression de changement du sens des mots, je l’explicite en parlant au sens large d’une profonde mutation en lien avec une durable remise en cause, ce retournement conduisant à une bifurcation consciente de sa vie personnelle.
De même, le mot métamorphose peut être contesté si on considère que le papillon issu de la chenille prend son envol pour une vie éphémère. C’est pourquoi je préfère parler de réinvention collective de notre société ou de notre monde qui doit se régénérer, se réengendrer ; à cet effet, on doit pouvoir s’appuyer sur un socle solide où un passé assumé fournit des ressources et des valeurs partagées pour se projeter et atteindre un but fixé en commun, pour cheminer vers un cap motivant. Par ailleurs, la capacité de transformation personnelle reste nécessaire pour affronter les obstacles du
chemin. Enfin, c’est grâce aux interactions constructives et aux délibérations que la démarche peut se poursuivre collectivement.
Nous nous retrouvons avec Patrick sur le thème d’un amour universel ouvert sur le monde. Il apporte de la joie, ce que Patrick illustre si bien par sa façon de conduire avec empathie et générosité sa vie militante. Notre cheminement pend plus sens dans des rapports chaleureux, amicaux, fraternels, aimants que dans des richesses matérielles. Dans la dialectique « Pouvoir-amour », je privilégie l’entrée philosophique de la puissance de l’amour face au mal ; par contre, sur un plan plus politique, je poursuis l’utopie du « pouvoir de la fraternité » pour donner une dynamique du plus proche au plus universel. Selon notre vocabulaire 1 lié à nos convictions, c’est la miséricorde, l’attention à l’autre, l’empathie… qui réunit amour et fraternité.
Notre militance commune repose sur un « REVE » que Patrick explicite comme à la fois Résistance anticipatrice, expérimentation créatrice, Vision transformatrice ; pour permettre les rétroactions constructives, j’ai complété par Evaluation partagée qui, en complément sur le plan personnel de la révision de vie, relève sur le plan collectif du bilan des changements et des initiatives. Ce REVE est certes inscrit dans une horizontalité de nos relations humbles avec autrui et respectueuses avec la nature, mais aussi dans la verticalité de notre lien à ce qui nous dépasse et à ce qui nous habite au plus profond.
J’ai apprécié, comme Patrick, que cette soirée nous permette d’aborder, en écoutant toutes les sensibilités, des thèmes fondamentaux comme laïcité-religion-spiritualité ou politique-pouvoir.
Continuons à cheminer en dialoguant et en organisant des controverses respectueuses du débat.
1 Patrick insiste sur la difficulté souvent le mot juste correspondant au vocabulaire d’un groupe qui cherche à débattre en évitant les malentendus. Dans des constructions de (dés)accords, il peut être utile de chercher
ensemble l’expression qui convient ; ce fut le cas quand nous passâmes une journée, le 8 janvier 2013, à débattre du « mariage pour tous », l’expression « union civique » ayant émergée.