Floriane Chinsky – Kahina Bahloul – Emmanuelle Seyboldt : Des femmes et des dieux ; Ed. Les Arènes 2021
La COLECTIO était avec la DISPUTATIO une des méthodes d’enseignement dans les universités à partir du XIIIe siècle ; le terme désignera plus tard les débats entre juifs et chrétiens sur les sujets de théologie auxquels participeront les protestants après la réforme.
En avril 2022, la DISPUTATIO a fait l’objet d’un événement public à la Sorbonne ; elle est enseignée dans plusieurs lycées jésuites.
Le livre des trois femmes illustre concrètement comment retrouver plaisir et intérêt à la controverse argumentée, il suffit, dit Emmanuelle, de toujours rester attentive au rythme et aux besoins des autres, tout en donnant suffisamment de soi-même dans une atmosphère dépourvue de toute compétition.
La rabbine, l’imame et la pasteure ont été éduquées très librement au sein d’une famille unie, ouverte aux autres. Bien enracinées dans leur culture et leur langue d’origine, leur liberté intérieure les pousse à sortir du prêt à penser ; cela passe par la reconnaissance de l’autre dans sa différence et concerne la culture, la mémoire (l’histoire), la religion. Ce ne sera jamais parfait ni complet mais permet d’avancer au lieu d’enfermer. Prendre ses responsabilités au lieu de se reposer sur quelqu’un d’autre, accepter l’altérité au lieu d’exclure sous prétexte de « principes non négociables ».
Une nouvelle dynamique se met en place grâce à la présence de femmes libres et leur enseignement dialogal : aider à distinguer ce qui relève du divin ou de la tradition, éclairer ce qui est le sacré. Il n’est pas évident pour elles de trouver leur place en tant que femme dans leurs religions respectives, marqués par le patriarcat (le patriarcat n’est pas une religion soulignent-elles), la dévalorisation du corps de la femme.
Les textes fondateurs des trois religions abrahamiques sont donc leur grande préoccupation. Les langues sémitiques comme l’hébreux de l’époque et l’arabe n’écrivent pas les voyelles, ce qui rend leur interprétation délicate. Et on peut se demander dans quelle mesure un texte adressé par Paul aux Corinthiens en l’an 50 est compréhensible et adapté au XXIe siècle. Elles conseillent avec humour de ne pas lire les textes comme une notice de lave-linge mais de mettre en place un enseignement dialogal.
Je lis les textes, dit Kahina, pour me reconnecter à moi-même.
Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de citer une phrase d’Emmanuelle : Dieu ne réduit pas l’être humain dans sa liberté. Il ne fait pas taire, même s’Il finit par avoir le dernier mot.
Elle rejoint ce que dit Floriane sur sa manière intuitive de définir le judaïsme : elle passe par l’humour.
Monika Wonneberger-Sander, octobre 2022