Sur le texte “Trois blocs, deux France” du Pacte civique
- Je voudrais d’abord nuancer l’idée de tripartition de l’opinion.
D’abord cette tripartition est le résultat d’une stratégie voulue et construite depuis sa première élection, avec beaucoup de talent, par Emmanuel Macron, qui a ainsi réussi à reconstituer « la troisième force » de la 4ème République.
Ensuite, ces blocs ne sont pas stables selon les scrutins. Il y a une forme de déconnexion entre les différents scrutins qui illustre la perte d’influence des partis traditionnels.
Enfin il s’agit plus de nébuleuses que de blocs comme l’illustrent les ambiguïtés de l’accord de la Nupes, le « en même temps » macronien et sa plasticité, ou la tension au sein de l’extrême droite, entre populistes et conservateurs. Tout cela tient grâce à des dominantes idéologiques, qu’il faudrait que nous analysions davantage (néolibéralisme au centre, néo-conservatisme à droite, et difficile synthèse écolo-keynésienne à gauche).
- Je me retrouve largement dans l’analyse de l’abstention. Celle-ci est un symptôme d’une forme d’épuisement qui touche les démocraties libérales, la nôtre plus que les autres. Le diagnostic de cette maladie de la démocratie est pour moi une des priorités de nos travaux.
- Je voudrais également nuancer l’idée qu’avec « l’archipel français » on assiste à la fin d’une France unitaire. Cette France unitaire a-t-elle jamais existé et n’est elle-pas l’idéalisation d’un passé pourtant marqué par des conflits politiques et sociaux très clivants et même violents.
« Deux France se font face », c’est vrai, même si, bien sûr, c’est un peu schématique et pas vraiment nouveau. Ce qui me semble plus inquiétant, c’est que les sphères d’expression de ces deux France sont de plus en plus disjointes : d’un côté les réseaux sociaux et les ronds-points, de l’autre les discours officiels et les médias traditionnels.
- Sur les quatre conclusions pour « retisser la France » et que je partage largement, je réagirais volontiers sur la 2ème.
Plus qu’un débat sur les valeurs, cela pose la question de l’éthique du pouvoir : comment une action politique responsable tenant compte des réalités (éthique de responsabilité) peut-elle s’inspirer de ces valeurs et des convictions qui les portent (éthique de conviction), sans les renier et éviter la dérive machiavélienne pour laquelle la fin justifie les moyens ?
Daniel LENOIR