Depuis 1982, nous célébrons en France la Journée internationale de la femme le 8 mars. C’est l’occasion de rappeler le parcours de Flora Tristan (1803-1844), une pionnière, figure majeure de la cause des femmes et du socialisme utopique.
Socialiste de la première heure, à la fois écrivaine et engagée sur le terrain, Flora Tristan est aujourd’hui considérée comme l’une des premières grandes figures du féminisme, la première à lier cause féminine et cause ouvrière.
C’est incontestablement dans son existence de paria que Flora Tristan a puisé la substance de son œuvre et de sa pensée. Orpheline d’un père aristocrate péruvien dont le mariage avec sa mère n’a jamais été régularisé, pauvre, autodidacte, femme battue par son mari, elle s’enfuit en 1825 du domicile conjugal avec ses deux enfants dont Aline, future mère de Gauguin. A une époque où le Code civil donne au mari le droit de faire réintégrer à sa femme le domicile conjugal, au besoin avec l’appui de la police et de la justice, elle s’exclut, faisant d’elle-même – comme elle le dit très bien – « une paria ».
Pariamais pas victime, elle a conscience d’avoir une mission, celle de donner une voix à tous les exclus, hommes et femmes, pour l’émancipation du genre humain. Proche du courant saint-simonien, elle a lutté conjointement pour l’amélioration des conditions de travail des ouvriers et la reconnaissance de l’égalité homme-femme, insistant notamment sur la notion de consentement dans la vie conjugale, une réflexion qu’elle a développée à partir de sa propre expérience d’union avec un mari violent.
Voyage, écriture et vie sont pour elle intimement liés. Après son premier voyage initiatique au Pérou, en 1834-1835, elle écrit Pérégrinations d’une paria (1), où elle décrit l’ignorance dans laquelle le peuple est maintenu, la cupidité des gouvernants, la tyrannie de l’Eglise et la condition des femmes dans les grandes plantations de canne à sucre.
Son œuvre maîtresse reste l’Union ouvrière (1843) dans laquelle elle propose des mesures concrètes : sur la base d’une cotisation ouvrière volontaire, l’Union sera propriétaire d’un gros capital avec lequel elle pourra éduquer les enfants de la classe ouvrière, soigner ses personnes âgées. L’union ne sera réalisée que lorsque les femmes seront les égales des hommes à une époque où elles sont traitées en inférieures par l’Eglise, par la loi, et par de nombreux philosophes (à l’exception de Fourier (2), où elles sont souvent victimes de licenciements abusifs et de l’alcoolisme de leur époux, et maintenues dans une relation de maître à esclave.
Flora Tristan, qui meurt seule et épuisée à 41 ans, est longtemps tombée dans l’oubli ; elle est pourtant l’une des plus authentiques et des plus complètes figures du socialisme dit utopique, précurseur de la Révolution de 1848.
1-Pérégrinations d’une paria (1838) paru en poche en 2004, Actes sud ; récit autobiographique d’inspiration rousseauiste qui fait scandale en France et surtout au Pérou où il est très lu aujourd’hui.
2- Charles Fourier (1772-1837), philosophe français considéré par Karl Marx et Friedrich Engels comme une figure du « socialisme critico-utopique », avec Robert Owen. Libertaire, concepteur des phalanstères, projets coopératifs d’habitat communautaire et défenseur d’une stricte égalité entre hommes et femmes.