Pierre Guilhaume, coordinateur du Pacte civique, a animé un webinaire pour le Pacte du Pouvoir de Vivre le 14 décembre sur le sujet de la fiscalité. Les propositions du PPV à destination des candidats aux élections présidentielles y furent présentées.
Introduction : quels sont les objectifs recherchés ?
4 objectifs.
1/ Il faut augmenter les recettes fiscales de l’Etat
Il nous faut un Etat stratège disposant de moyens de financements suffisants pour permettre une transformation à la hauteur des enjeux.
Ces enjeux sont multiples, et pour y répondre, il faut :
- investir dans la transition écologique ;
- lutter contre la pauvreté ;
- revaloriser certains métiers ;
- améliorer les services publics.
Certes, nous pouvons déjà constater des motifs de réjouissance, puisque le système socio-fiscal français réduit fortement les inégalités, mais c’est un succès qu’il nous faut préserver et même améliorer.
C’est pourquoi, il faut arrêter la démagogie et rendre sa noblesse à l’impôt.
2/ Favoriser le consentement à l’impôt
Pour augmenter massivement les recettes, faut-il augmenter les taxes à la consommation (TVA, TICPE…)?
Cette idée n’est pas bonne car elle pèse sur les ménages les plus modestes. Il faudrait arrêter de réduire la part de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, tendance en vigueur depuis 50 ans, pour des raisons de justice mais aussi de citoyenneté.
Payer l’impôt est un acte citoyen ; il manifeste son appartenance à la collectivité nationale. C’est pourquoi, il faut valoriser cet acte :
- dans les faits, en rendant l’impôt compréhensible, simple et juste ;
- en transformant le discours et en réhabilitant l’impôt.
3/ Pourquoi augmenter la contribution des plus riches ?
- parce qu’ils ont été très favorisés depuis 2017 ;
- parce que le Covid 19 a aggravé les inégalités : augmentation du patrimoine des plus riches, accroissement de la pauvreté ;
- parce que nous sommes face à une crise grave : écologique, mais aussi sociale et démocratique, qui requiert les efforts de tous et à la mesure des moyens de chacun.
4/ Encourager l’investissement écologique et solidaire
Ces questions sont vitales.
L’investissement écologique est nécessaire pour lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité.
L’investissement solidaire est nécessaire pour remettre dans l’emploi ceux qui en sont éloignés.
C’est aussi cela, une vraie fiscalité de transformation.
Les 4 mesures (62 à 65) du Pacte du Pouvoir de Vivre présentées ci-après s’inscrivent dans ces objectifs.
Mesure 62 : réformer l’impôt sur le revenu
Le système actuel est complexe. Il est le fruit d’un entassement de réformes partielles et illisibles (cf. décote pour les petits contribuables), avec effets de seuil pervers, et pas vraiment progressif.
Plusieurs solutions s’offrent à nous pour remettre à plat le mode de calcul.
Il faudrait supprimer le quotient familial au profit d’un crédit d’impôt par personne et à charge égal pour tous.
Il faudrait réexaminer certaines niches fiscales, même si ce ne sera pas simple.
A plus long terme, on pourrait augmenter le poids de l’Impôt sur le revenu, tout en imposant dès le 1er euro, et diminuer les taxes à la consommation en compensation.
Mesure 63 : aligner la fiscalité des revenus du travail et du capital
C’est ce qui a été fait en 2012, au début du quinquennat Hollande, et salué comme une mesure de justice sociale. Elle n’a cependant pas duré très longtemps, puisqu’elle a été remise en cause dès 2017 avec la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
Pour ce faire :
- Imposition des revenus du capital : taux unique (non progressif), très bas : 30 % dont 17.5 % en prélèvements sociaux. Il resterait 12.5 % pour l’IR proprement dit (ce qui est plus bas que chez la plupart de nos voisins).
- Inciter à verser des dividendes, au détriment de l’investissement dans l’entreprise.
- Favoriser le basculement des salaires vers les dividendes, donc une sécession des riches hors du système socio-fiscal fondé sur la solidarité.
L’instauration du PFU, bien que moins chargée symboliquement que le remplacement de l’ISF par l’IFI, s’avère beaucoup plus néfaste.
Mesure préconisée : suppression du PFU et retour à l’alignement revenus du travail / revenus du capital.
Mesure 64 : taxe exceptionnelle sur le patrimoine financier
Pourquoi ?
-Nous constatons une augmentation exceptionnelle de l’épargne, à cause du Covid, particulièrement chez les plus riches
-Nous avons un besoin urgent de financement pour la transition écologique
Il est difficile de taxer le flux d’épargne supplémentaire, d’où l’idée d’une taxation modérée de l’ensemble du patrimoine financier.
Concrètement :
- Nous pourrions taxer le patrimoine financier hors dépôts à vue et livrets réglementés, sur une durée limitée de 3 ans et avec un taux modéré de 0,5%.
- Les recettes (non pérennes) pourraient alors alimenter un fonds d’investissement dans la transition écologique.
Mesure 65 : rétablir et rénover l’ISF, impôt de solidarité sur la fortune
L’ISF, créé en 1981, a été supprimé en 2017 au profit de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Cela a entraîné une baisse des recettes de l’Etat (5,2 MM€ à 1,9 MM€) qui n’étaient déjà pas considérables.
Le rétablissement de l’ISF répond à l’objectif de faire contribuer les plus riches dans un esprit de justice sociale. Comment ?
- Dans un 1er temps, rétablir l’ISF tel qu’il était en 2017, avec ses qualités et ses défauts (extrême complexité, abattements plus ou moins justifiés, décote, plafonnement… et quelques effets pervers).
- Dans un 2nd temps, le rénover : plus de justice au niveau des abattements, plus de lisibilité. Et résoudre ses effets pervers, comme par exemple :
- éviter que l’imposition du capital immobilier incite à l’augmentation des loyers ;
- éviter que l’imposition du capital financier incite à chercher des rendements toujours plus élevés, peu compatibles avec l’investissement écologique.