« Ce jour le plus court est aussi celui où commence la remontée. Le soleil entre dans sa course annuelle. Nous avons survécu à la nuit d’hiver et espérons un temps nouveau, un temps de bonheur. Nous faisons des cadeaux aux enfants, à nos proches : c’est ainsi que le grand Astre nous a, une fois encore, fait don de la lumière. »
Tel un marronnier – ou plutôt un sapin ou une branche de gui -, et depuis la nuit des temps sous nos latitudes, revient chaque année la célébration du solstice d’hiver. Ce moment où le jour est au plus court et donc ne peut que croître, est aussi le symbole de l’espérance de la victoire de la lumière sur les ténèbres.
Avec Noël et en investissant les anciennes fêtes romaines et païennes, les chrétiens ont placé à ce moment-là de l’année la commémoration de la naissance de Jésus, pour eux le Christ, comme celui de l’épiphanie pour les catholiques, de la théophanie pour les orthodoxes, c’est-à-dire le moment où, pour les croyants, Dieu se manifeste aux hommes, y compris les rois-mages, i.e. les puissants et les savants. Bernard Ginisty donne dans ce numéro une lecture chrétienne de ce moment de Noël, en rappelant que « la célébration annuelle de la naissance du Christ n’a de sens que comme invitation à l’inattendu, l’inouï et non répétition de ce que l’on croit savoir déjà ».
Mais, ce moment du solstice d’hiver dans l’hémisphère Nord a aussi pris une signification universelle depuis que le calendrier grégorien a fixé au 1er janvier le début du cycle annuel, puis est devenu le calendrier commun (mais pas unique pour autant) de l’humanité. Un moment de fête planétaire qui repose sur trois piliers dont il est important de retrouver, au-delà des dérives consuméristes et marchandes de nos société capitalistes, la signification profonde : les cadeaux, symboles du don (et du contre-don) ; les repas de fête, symboles de l’agapé, l’une des formes de l’amour pour les grecs ; les illuminations et les feux d’artifice, symbole de cette lumière que nous cherchons dans les ténèbres. La crise écologique planétaire et la pandémie de covid, qui en est une des manifestations, pourrait être l’occasion d’expérimenter des façons de vivre dans la sobriété ces moments de potlatch fraternel.
Un moment qui est aussi un moment d’espérance et de quête : espérance de fraternité et de paix ; quête de cette « inaccessible étoile » que chantait Jacques Brel. C’est pourquoi c’est le moment que nous avons choisi, pour lancer notre appel à un sursaut spirituel et démocratique qui constitue le dossier de ce numéro du solstice d’hiver. “C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière”.
Daniel Lenoir, président de D&S
Ernst Jünger Graffiti/Frontalières Christian Bourgois éditeur, 1977
Cérémonie, pratiquée notamment par les tribus indigènes d’Amérique du Nord, au cours de laquelle des clans ou des chefs de clans rivalisent de prodigalité, soit en détruisant des objets, soit en faisant des dons au rival qui est contraint à son tour à donner davantage. “On n’a pas le droit de refuser un don, de refuser le potlatch. Agir ainsi c’est manifester qu’on craint d’avoir à rendre, c’est craindre d’être « aplati » tant qu’on n’a pas rendu. (…) C’est « perdre le poids » de son nom..” (Marcel Mauss Essai sur le don, 1925)
Edmond Rostand Chantecler, 1910