Sursaut spirituel ou conversion permanente ?
JC Devèze 23 09 21
Notre université de septembre à Lyon a essayé de traiter le thème du sursaut spirituel pour faire face aux défis auxquels est confrontée la démocratie. A mon avis, nous avons plus abordé de façon très intéressante les défis (justice sociale et territoriale, question migratoire, laïcité, santé, éducation, avenir de l’Union européenne, démocratie et responsabilité, etc.) que traité du levier de la spiritualité pour les relever.
Sur ce dernier point, j’ai retenu des pistes de travail générales à approfondir comme l’importance d’une résistance spirituelle humble et courageuse, la quête d’une fraternité en actes, la montée en qualité de conscience, le partage de nos questions essentielles, la promotion d’une sagesse universelle. Par contre, il n’a pu être creusé le lien entre intériorité et engagement et donc celui entre transformation personnelle en lien avec la spiritualité et transformation collective en lien avec la démocratie.
Pour creuser la nature de nos cheminements personnels et collectifs, il me semble important de discerner ce qui influence nos décisions personnelles, souvent dévoyées par la difficulté d’assumer une liberté responsable, comme nos choix collectifs, souvent délégués à des pouvoirs qui n’organisent pas les nécessaires délibérations préalables à la décision.
La personne demande le respect de sa dignité, la reconnaissance de sa singularité et la prise en compte de son intégralité par autrui et par les communautés auxquelles elle appartient ; respectée et reconnue, ayant conquis une autonomie responsable, elle peut cheminer fraternellement dans ses communautés d’appartenance en recherche d’un sens commun et d’une vérité partagée. Encore faut-il que nos communautés ne deviennent pas des agrégats d’individus manipulés faute d’un socle solide et d’un discernement sur leurs objectifs et leur fonctionnement ; ce dernier point exige des personnes lucides, authentiques et courageuses pour cheminer fraternellement en recherche d’une vérité partagée.
Il est intéressant de se référer au personnalisme communautaire cher au fondateur de la revue Esprit, Emmanuel Mounier ; il cherchait à créer un mouvement capable de surmonter la crise économique des années 1930 en affrontant la crise spirituelle et philosophique (je dirais aussi culturelle) et en ouvrant une troisième voie entre le capitalisme et les fascismes. Une transposition à notre époque pourrait être la suivante : nécessité d’articuler dans la durée transformation personnelle et transformation sociale afin de réguler le capitalisme ; combattre totalitarismes, populismes et intégrismes ; sortir de nos égoïsmes, relativismes et indifférences afin de promouvoir une écologie et un humanisme intégraux.
Ceci demandera une vision renouvelée des défis et des efforts correspondants pour les relever : écologie et sobriété, économie sociale et travail, lien social et empathie, société éducative et connaissances maîtrisées, démocratie de construction et implication citoyenne, communication éthique et discernement, etc. Cet appel à l’effort de chacun peut-il se faire sans une forme de conversion permanente reposant sur une transformation intérieure, une maîtrise lucide de nos passions et de nos désirs, une libération de notre capacité d’empathie, un effort adapté à l’enjeu et, si nécessaire, un esprit de sacrifice ? Ces efforts ne seront-ils pas source de joie si les progrès accomplis dans tous les domaines permettent de vivre ensemble à des personnes réconciliées avec elles-mêmes et à ce qui les entoure ?