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La religion des faibles, ce que le djihadisme dit de nous de Jean Birnbaum

La religion des faibles, ce que le djihadisme dit de nous (Jean Birnbaum, Seuil, 2018)

 

Après son livre paru en 2016 « Un silence religieux, la Gauche face au djihadisme » qui dénonçait les ambiguïtés d’une certaine gauche française, Jean Birnbaum poursuit sa réflexion sur nos faiblesses face au terrorisme islamiste. Les Faibles, ce sont ceux qui nous aveuglent sur l’islamisme[1], mais aussi chacun de nous quand nous nous laissons aveugler. La thèse du livre, c’est que le djihadisme nous contraint à reconsidérer ce qui est « nous » en France, en Europe, en occident ; il nous invite à défendre nos valeurs européennes et notre démocratie face à la religion des Faibles[2] qui, mêlant un universalisme ethnocentré, voient les occidentaux comme ceux qui oppressent les autres[3] et qui dénigrent la religion musulmane (voir Oliver Todd qui, après le défilé du 11 janvier 2015, stigmatise « des millions de français qui se sont précipités dans les rues pour définir comme besoin prioritaire de leur société le besoin de cracher sur la religion des faibles »).

L’auteur nous propose de relire l’histoire récente pour déceler les complicités d’une certaine gauche masochiste et défaitiste, plus apte à dénoncer nos travers qu’à soutenir ceux qui luttent contre le terrorisme, l’oppression sexuelle, la dictature religieuse. Ces Faibles abdiquent face à ces milliers de djihadistes européens qui sont prêts à mourir pour leur cause : abattre les barrières qui empêchent l’islam de se répande sur toute la surface de la terre.

Le meilleur chapître, intitulé « Le lion et la mouette », retrace les épisodes liés à la publication des caricatures de Mahomet, aux affaires Rushdie et Van Gogh et aux attentats en Europe. Le djihadiste se prend pour un lion qui terrasse des occidentaux incapables de lutter contre une mouette qui l’attaque, et donc victime ensuite des mouettes intégristes qui se multiplient au fur et à mesure que l’occident laisse les Faibles conforter les bourreaux ; ces derniers font du colonialisme un présent perpétuel[4], du djihadiste un produit d’un « désir d’occident frustré » (Alain Badiou), de l’absence des femmes dans les cafés des quartiers un fait historique (Benoit Hamon).

La conclusion, intitulée « Europe capitale », est un plaidoyer pour dépasser nos fragilités et défendre les valeurs européennes et la démocratie occidentale, car « Chaque déclaration de guerre nous rappelle la valeur d’institutions politiques et de pratiques sociales que nous avons coutume de dénigrer » (p 273). Il s’agit de redonner chair à ce « nous » complexe.

L’intérêt du livre, pas toujours très clair pour un lecteur peu familier avec les disputes intellectuelles en cours, est aussi de mettre en débat indirectement des questions essentielles, comme les suivantes :

  • notre positionnement actuel et futur vis-à-vis des islams, et plus largement des religions qui ne sont plus que des archaïsmes pour certains ;
  • notre vision de l’Europe confrontée aux périls, décadente selon les pessimistes, disposant d’un socle solide pour les optimistes ;
  • notre conception du progressisme, le progrès pouvant être pour le meilleur comme pour le pire ;
  • ce qui constitue notre identité et notre capacité à articuler des identités héritées de notre histoire personnelle, d’où la question des socles culturels communs et de l’influence d’une culture planétaire.

[1] Le mot islamisme est contestable, car il fait normalement référence à l’ensemble de la religion des musulmans (appelée islam), comme le christianisme à l’ensemble de la religion des chrétiens.

[2] La religion de ceux qui ont à gauche le sentiment d’un primat intellectuel et d’une supériorité de prestige puisqu’ils sont au centre du monde, universalistes, adversaires du monde marchand, proches des opprimés, porteurs de l’espérance socialiste, féministe et démocratique.

[3] Voir p 56, dans « L’islamisme, fossoyeur des gauches » : « Aux yeux des faibles, en effet, critiquer l’islam, c’est stigmatiser les opprimés, donc basculer dans le seul camp des oppresseurs, celui de l’Occident ».

[4] « Critiquer le régime algérien, un demi-siècle après l’indépendance, ce serait encore et toujours ‘’absoudre les crimes de l’occident’’ » (interview de J Birnbaum dans le Point du 20/09/18).

A propos Régis Moreira

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