L’éditorial de la Lettre de D&S n°155
L’interaction entre démocratie et spiritualité n’est pas facile à mettre en œuvre. Que dans la cité, l’autre soit effectivement considéré dans son éminente dignité et soit mis en mesure de donner le meilleur de lui-même, que les spiritualités évitent le double écueil du narcissisme autocentré ou de l’intolérance vis à vis d’autrui, cela reste difficile. Et pourtant, cette fécondation entre l’idéal démocratique et la disponibilité spirituelle est plus nécessaire que jamais pour faire face aux problèmes que rencontre notre humanité.
Cet impératif vaut aux trois étages que le Pacte civique identifie : les comportements personnels, le fonctionnement des organisations et celui des institutions et politiques publiques, chacun dans leur ordre propre. Pour cheminer dans ces directions, nous avons besoin bien sûr de travail personnel pour forger nos convictions à travers nos recherches. C’est une condition essentielle, mais non suffisante.
Nous avons tous besoin, également, de discussions, de dialogues, de débats, de délibérations, de concertations, de controverses, ces échanges avec autrui favorisant nos prises de conscience, nos discernements et la poursuite de nos cheminements. A cet effet, il faut souligner l’importance de groupes dont les membres se respectent, s’écoutent et osent une parole libre qui permet de mettre gratuitement au service des autres nos expériences, nos argumentations et nos convictions. Ceci exige à la fois attention à l’autre, disponibilité à l’imprévu, prise en compte de ce qui dérange et ouverture à ce qui vient.
Nos échanges, nourris d’authenticité personnelle et de la dynamique de nos cheminements collectifs, sont créateurs de pensée et porteurs de sens, ce qui permet d’agir pour le bien commun. Ainsi, peu à peu, se construisent des communautés ouvertes qui édifient une culture commune de fraternité, cette valeur si potentiellement puissante de notre culture républicaine et si mal mobilisée. Ainsi peuvent-elles espérer contribuer à inventer un futur désirable pour chacun comme pour tous. Surtout si elles arrivent à s’organiser, à se relier entre elles autour de bases communes suffisantes leur permettant de se faire entendre d’une manière ou d’une autre par des institutions ayant elles-mêmes appris à écouter. C’est entre autres choses la démarche du Pacte civique, même si cette dimension est peu mise en valeur pour l’instant.
Il est donc primordial de susciter et de faire vivre des groupes, des assemblées et des communautés de projets ou de vie qui nous aident à approfondir nos dialogues intérieurs et à discerner grâce à nos débats quelles parts de vérité partager. Comme le disait Margaret Mead, il ne faut pas douter « qu’un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde ; en fait, c’est toujours comme ça que ça s’est passé. » Encore faut-il que chacun puisse apporter son impulsion à l’ensemble avec le soutien de tous.
Le bureau de D&S