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La contestation du CPE, une occasion à saisir pour se poser la question des réformes en France

La réforme des contrats de travail, à travers l’essai de mise en place à marche forcée par le premier ministre du CNE, puis du CPE, illustre les dérives du processus de l’action politique en France. Il faut malheureusement constater que le monde politique a accumulé presque toutes les erreurs qui rendent une réforme insupportable : pas de consultation préalable des intéressés et des forces syndicales et patronales, pas de vrai débat politique au parlement pour mieux faire comprendre les enjeux et pour améliorer les textes, pas d’inscription des mesures présentées dans une stratégie cohérente à la fois de lutte contre le chômage et d’amélioration des performances de notre économie, pas de prise en compte des inégalités entre générations et de la dégradation des perspectives pour les jeunes, oubli de l’importance d’instaurer une égale dignité entre le jeune et son patron dans tout contrat de travail.

Au moment où se profilent des échéances électorales importantes pour une France déboussolée, le gâchis du CPE doit nous conduire à se poser la question de la façon de réaliser les futures réformes indispensables dans notre pays. Partant du livre de Nicolas TENZER « France : la réforme impossible ? », paru en 2004 chez FLAMMARION, ceux qui nous gouvernent pourraient méditer sur les points à maîtriser pour préparer, concevoir et gérer des réformes en France.

Au delà du nécessaire recyclage de ceux qui veulent nous gouverner, il s’agit de promouvoir une autre vision de l’action politique, basée sur l’acceptation des remises en cause, la recherche de plus de la justice et la prise courageuse de responsabilité.

Ainsi la réforme parait trop souvent concerner les mêmes catégories à qui on demande des efforts alors que des groupes entiers de privilégiés se protègent de toute remise en cause. Quand les rentiers et les défenseurs d’avantages acquis qui ne sont plus justifiés accepteront-ils de redéfinir des modalités plus équitables de rétribution des efforts ?

Une société qui apparait injuste à un nombre grandissant de citoyens devient conflictuelle et querelleuse. Tout le monde ne peut gagner dans une réforme, mais par contre la société se porte mieux si les réformes apportent plus de justice. Quand sera-t-on capable de présenter un ensemble de réformes, avec ce que chacun y gagne et y perd à terme et ce que la communauté nationale y gagne ?

Trop d’hommes politiques ne sont pas de vrais responsables, repoussant la prise en charge des problèmes annoncés, avec des arguments du type « il ne faut pas exagérer, » ou ne les traitant pas à fond, avec la peur que la réforme soit mal supportée. Quand seront-ils capables d’inscrire leur action dans le cadre d’une vision stratégique leur permettant de prévenir les problèmes plutôt que de chercher à les guérir en endettant les français ?

Devant tant d’amateurisme, de manque de courage et de méconnaissance de la société française d’une grande part de nos élites politiques, citons quelques unes des diverses voies à explorer pour réussir les réformes dont la France a besoin :

  • recentrer notre système éducatif autour de la capacité de comprendre le monde qui nous entoure, de penser de façon autonome pour dépasser le conformisme ambiant et de travailler dans la confiance, en équipe, pour faire face aux problèmes de nos sociétés ;
  • prendre à bras le corps le problème de l’intégration non seulement des immigrés, mais aussi des français qui se sentent rejetés, en approfondissant d’abord ce que sera demain notre identité nationale, en revoyant le rôle de l’école, en mettant en place un service civil ;
  • relancer l’ambition européenne pour inscrire un projet national dans une entité qui pèse et qui nous aide à dépasser nos frilosités pour nous confronter aux enjeux internationaux ;
  • exiger de l’opposition de préparer des gouvernements d’alternance (type « shadow cabinet ») présentant un programme cohérent et désignant des responsables qui connaitront leurs dossiers quand ils arrivent aux responsabilités ;
  • revoir nos institutions pour qu’elles allient la capacité d’agir et la vertu démocratique, d’où par exemple la suppression de la diarchie à la tête de l’Etat pour avoir un président responsable ;
  • favoriser le passage des hauts fonctionnaires, entre une administration qu’il faut désembouteiller, des fondations qu’il faut renforcer, l’enseignement, le privé, les organisations non gouvernementales, et ainsi favoriser la circulation d’idées entre sphère politico-administrative et société civile ;
  • réformer l’ENA pour que chaque fonctionnaire occupe au départ pendant plusieurs années des postes de responsabilité sur le terrain lui permettant de se confronter aux difficiles réalités de notre société.

Méditons cette pensée de Sénèque pour nous donner le courage de nous remettre en cause et d’agir pour mieux vivre ensemble : « ce n’est pas parce que les choses difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Reste à oser pour non seulement réaliser nos ambitions, mais aussi pour mettre en œuvre des ambitions collectives qui donnent sens à nos sociétés et à notre démocratie.

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