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7L210: L’art « dégénéré » par Monika Wonneberger-Sander

Le musée Picasso à Paris organise du 18.2.25 au 25.5.25 une exposition intéressante :

« L’art « dégénéré » : Le procès de l’art moderne sous le nazisme »

Parmi les synonymes pour « dégénéré » le dictionnaire propose entre autres le mot « régresser ».

 

Le Victoria and Albert Museum de Londres possède un tapuscrit de 482 pages des œuvres mises à l’index sous le régime nazi. Mise à part un évènement organisée par le Goethe Institut en 1989, la présentation au musée Picasso est la première de cette envergure en France. Elle rappelle l’exposition « Entartete Kunst » proposée à Munich en juillet 1937 ; environ 10.000 œuvres furent décrochées des cimaises des musées à l’époque, des tableaux essentiels de l’avant-garde, die Brücke, der Blaue Reiter, dada,  surréalisme … parmi les peintres français, Van Gogh, Picasso …

Les noms de tous les artistes condamnés à l’époque apparaissent en grisé sur le mur d’entrée de l’exposition – la photo les montre – les noms des artistes présents sont en lettres noires. Malheureusement, les salles disponibles du musée ne permettent pas de présenter davantage de chefs d’œuvres mais Otto Dix, Ernst Ludwig Kirchner, Vassily Kandinsky, Paul Klee, Max Beckmann, Oskar Kokoschka, Vincent van Gogh et bien sûr Picasso s’exposent en rangs serrés. La signalétique est excellente. Goebbels, à l’origine de ce désastre, a vendu de nombreuses œuvres confisquées à prix d’or pour renflouer les caisses du Reich et, bien sûr, également à son seul profit. Un certain nombre de tableaux, dessins et sculptures ont pu être restituées à leurs propriétaires après la guerre. Il est tout à fait approprié que cette rétrospective se tienne au musée Picasso, peintre désigné comme « archétype de l’artiste dégénéré » à l ‘époque.

Les œuvres ci-dessus font partie de fragments de sculptures retrouvés en 2010 lors de fouilles archéologiques en préparation d’une future ligne de métro à Berlin. Toutes ont été réalisées par des artistes considérés comme « dégénérés». Entreposées dans un immeuble à l’issue de l’exposition itinérante « Art dégénéré», elles ont été enfouies sous les décombres lors des bombardements qui frappent la ville en 1944. On les pensait perdues ou détruites avant cette redécouverte. La figure en marbre blanc (1929) est de Richard Haizmann (1895-1963).

 

On sort sonné de cette exposition, saisi par la beauté des œuvres, leur puissance, la créativité d’une époque broyée par un régime qui ne respectait pas les droits fondamentaux. Goebbels avait imposé une loi exigeant qu’écrivains et peintres devaient devenir membres des associations officielles pour avoir droit à la publication ou à une exposition.

 

Ceci dit,  la nature humaine est complexe, l’homme porte en lui une égale disposition au bien et au mal. Beaucoup d’artistes émigraient à l’époque, d’autres avaient une démarche plus ambiguë, il suffit de citer Emil Nolde, présent dans l’exposition, en 1934 il adhère au parti nazi par conviction, dès 1937 il devient suspect, malgré sa notoriété, et à partir de 1941 le régime lui interdit de peindre. Il retrouve sa place dans les musées après 1945 mais apparemment sans déroger à ses convictions antisémites. Le sculpteur Arno Breker, artiste officiel du Reich, produisit des sculptures selon l’idéal artistique national socialiste mais il est néanmoins intervenu en faveur de nombreux artistes dont Pablo Picasso.

Entrons-nous actuellement à nouveau dans une époque où règne le culte de la force, capable de faire chavirer la civilisation ?

 

Foin de désespoir, nous pouvons aussi nous engager pour un avenir éclairé par l’Esprit, nous réjouir de la beauté des œuvres, admirer le foisonnement des courants artistiques, leur expressivité, retenir l’enchantement du moment…

 

La ligne silencieuse

Soutient l’artiste funambule

Oscillant sur le chemin.

Sa force l’entraîne…

D’horizons nouveaux

Se dessinent…

 

Monika Wonneberger-Sander, mars 2025

 

A propos Régis Moreira

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