Accueil > nouvelles exigences démocratiques > 1L208 LA NON-VIOLENCE POLITIQUE pour TRANSFORMER LA SOCIÉTÉ par Marie Odile Terrenoire

1L208 LA NON-VIOLENCE POLITIQUE pour TRANSFORMER LA SOCIÉTÉ par Marie Odile Terrenoire

COLLOQUE

LA NON-VIOLENCE POLITIQUE pour TRANSFORMER LA SOCIÉTÉ

 

Le 14 novembre 2024, étaient célébrés à l’Assemblée nationale les 50 ans du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN) né en 1974 avec la volonté de fédérer les groupes non-violents existants et d’agir par la non-violence sur le terrain politique et social.

 

« Notre démocratie est de plus en plus malmenée par des dispositifs autoritaires et répressifs qui visent à briser les contestations sociales et écologistes. Elle souffre de l’absence de contre-pouvoirs dans le cadre d’une Ve République qui fonctionne davantage comme une monarchie présidentielle que comme une démocratie citoyenne » constate le MAN. La violence imprègne la société : accroissement des inégalités, montée de la haine, violences urbaines et répression policière. Tout concourt à conforter l’idée que c’est la loi du plus fort qui gagne partout dans le monde, et que la violence est un mal nécessaire auquel il faudrait se résigner et même un mal légitime pour survivre par rapport aux autres ou obtenir gain de cause quand on est spolié.

 

La non-violence, une réponse à la violence institutionnelle

 

Comment répondre à la violence ? Pour le MAN, la riposte par la violence pure n’est pas le bon moyen. Il faut maintenir le cap de la non-violence malgré la répression. Il faut réaffirmer qu’il y a un lien entre la fin et les moyens. Qu’est-ce à dire ? De nombreux moyens existent pour lutter contre la violence institutionnelle et résister : boycott, grève, manifestations, pétitions, sabotage, jeûne et même destruction de matériel mais tuer, non ! « La lutte non-violente ne doit pas être prisonnière de sa colère. » Le recours à la violence dans les luttes s’avère une impasse tragique qui décrédibilise et détruit les causes les plus justes.

 

Alain Refalo porte-parole du MAN a introduit cette journée en nous rappelant les fondements de la non-violence politique. Il faut analyser la violence du pouvoir pour mieux la combattre et savoir que le pouvoir utilise la violence quand il se sait faible. Il cite les dissidents soviétiques. Il dit que l’on peut enfreindre les lois quand elles sont injustes surtout si l’on a la possibilité de s’appuyer sur l’opinion publique car on a, alors, la force du nombre. Il fait référence à La Boétie, Gandhi, Hannah Arendt. Pour se libérer de la servitude : ne pas obéir, ne pas coopérer, rétablir l’équilibre des forces pour contraindre au dialogue, présenter un projet alternatif comme l’avaient fait les ouvriers de LIP ou les paysans du Larzac.

 

L’idée du colloque était de démontrer que la non-violence offre une perspective politique porteuse d’espérance et qu’elle devrait être reliée à une stratégie plus globale pour contribuer à lutter contre les pouvoirs économiques et politiques destructeurs des droits humains et de l’environnement.

 

Quelles résistances citoyennes ? Quels moyens pour se faire entendre ? Cet exposé introductif a été suivi par une table ronde réunissant quatre personnes, figures sur le terrain de l’action non-violente d’aujourd’hui.

 

Quels moyens pour se faire entendre ?

 

Le rapport de force avant la négociation

Pour Gérard Ré (Secrétaire confédéral de la CGT en charge de la lutte contre les discriminations/défense des libertés publiques), le combat syndical est, par définition, non-violent. Gérard constate la violence du contexte actuel : licenciements brutaux, lois sur l’immigration sans débat, manifestations multiples d’une xénophobie ambiante comme la perspective de la suppression de l’AME. Dans les entreprises, le recours ultime pour se faire entendre et se faire respecter est, sans conteste, la grève. Le but du rapport de forces, c’est d’amener à la négociation. Après la lutte, le respect.

D’autre part, face aux mesures les plus répressives concernant la population, la CGT peut soutenir les agents qui refusent d’appliquer les mesures anti-sociales comme celle de supprimer le courant aux habitants n’ayant pas les moyens de payer leurs factures d’électricité.

 

La désobéissance civile

Sylvine Bouffaron, militante écologiste travaillant aujourd’hui à Greenpeace est une défenseuse de la désobéissance civile comme moyen de lutte mais il faut savoir prendre des risques juridiques pour soi-même dans les combats, témoigne-t-elle. Greenpeace est connue pour ses actions spectaculaires mais celles-ci, qui ne sont pas toujours légales comme l’intrusion de militants dans une usine nucléaire, peuvent être sévèrement punies. Sylvine remarque qu’avec la montée de l’extrême-droite, la bataille culturelle est plus ardue. Il y a 10 ans, les policiers étaient plus respectueux à l’égard des écologistes.  Les militants écologistes sont désormais qualifiés « d’éco-terroristes ». L’ambiance s’est durcie. Les manifestations sont parfois devenues dangereuses mais il faut tenir bon. « Sans espoir, on ne peut pas gagner ». Pour défendre le droit des générations futures, il faut continuer de manifester. Les manifestations, contrairement à l’apparence, servent à quelque chose à long terme, dit-elle.

 

Le respect du savoir des plus pauvres

Le mouvement ATD Quart Monde a été créé par quelqu’un, Joseph Wresinski, qui venait du monde de la misère.  Isabelle Doresse, sa vice-présidente, y est engagée depuis plus de 25 ans. Les pauvres dans la société sont trop souvent identifiés comme des personnes dangereuses. « C’est un gâchis humain ». Ils ressentent le mépris. On décide pour eux sans les consulter. L’optique de ATD Quart monde, c’est, a contrario, de les considérer comme possédant un savoir que les autres ne possèdent pas. Les pauvres savent se comporter dans la précarité, ils sont capables de vivre dans l’ignorance de ce que vous réserve le lendemain, c’est-à-dire dans l’imprévisible. L’optique de ATD Quart monde, c’est de les consulter pour faire « avec eux » plutôt que « pour eux ». Elle mentionne à ce sujet la dernière loi concernant le RSA qu’elle juge « anti démocratique ».

Pour terminer par une expérience plus positive, elle cite le dispositif de «° Territoires zéro chômeur de longue durée » qui a été portée pour sa phase de démarrage par ATD Quart Monde en partenariat avec le Secours catholiqueEmmaüs FranceLe Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité. Grâce à cette expérience, il a été démontré qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à toutes les personnes privées durablement d’emploi, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins du territoire.

 

L’intervention sociale non-violente

Est-il possible de résister quand on travaille au sein de la fonction publique ? Pascal Tozzi, enseignant au département Carrières Sociales de l’IUT Bordeaux Montaigne, avait été invité à s’exprimer sur la situation des personnes travaillant dans des institutions produisant elles-mêmes des violences sociales. Ainsi, il nous a fait part des difficultés de conseillers de France Travail chargés d’exécuter des lois avec lesquelles ils ne sont pas en accord. Il a également décrit la souffrance que peuvent éprouver les personnes chargées, comme les assistantes sociales, de résoudre les problèmes quand elles se sentent impuissantes à le faire.

Que faire ? Pascal Tozzi mène des recherches sur la manière d’aider ces intervenants face aux situations critiques qu’ils ressentent dans la relation d’accompagnement. Il mentionne la chaire UNESCO dénommée « L’intervention sociale non-violente ».

 

La désobéissance civile, un chemin vers le droit ?

 

Ce colloque a été accueilli dans les bureaux du Palais Bourbon grâce à la députée écologiste Léa Balage El Mariky et au député socialiste Dominique Potier. C’est à eux que, bien évidemment, revenait la charge de tirer la conclusion de cette journée de réflexion. Léa Balage El Mariky a rappelé comment une action non-violente, comme le premier mariage de deux homosexuels par Noël Mamère en 2004 à la mairie de Bègles, avait été un acte fondateur – annulé par la justice – mais annonçant la loi Taubira légalisant le mariage pour tous. Un exemple de la force de la non-violence dans l’évolution des lois. « La désobéissance civile peut représenter un chemin vers le droit », dit-elle.

Mais se garder de légitimer systématiquement la désobéissance civile

 

Dominique Potier a préféré mettre les choses au point. Il n’est pas question pour lui de légitimer systématiquement la désobéissance civile ou les actions associatives. Il faut des règles dans la République. Ainsi, l’évasion fiscale contre laquelle il se bat ne justifie pas pour autant la fraude sociale ! Ce n’est pas parce qu’il existe des injustices de toutes sortes qu’on ne doit pas lutter contre la petite délinquance comme on lutte contre la grande délinquance des multinationales. Ou, ce n’est pas parce que l’on est une association qu’on est indemne de fautes ou de transgressions condamnables. Pour lui, la non-violence est aussi dans les choix de vie. Le renoncement à prendre l’avion ou quitter un emploi bien rémunéré, pour aller enseigner par conviction dans une école publique d’un quartier difficile, est aussi une manière de faire avancer la cause écologique ou sociale…

Il faut allier la transformation personnelle et la transformation collective.

 

Marie-Odile Terrenoire, le 18 novembre 2024

A propos Régis Moreira

Sur le même thème...

2L207: Tribune : De la France « archipel » à la France fraternelle : 100 jours pour relever le défi ! 

De la France « archipel » à la France fraternelle : 100 jours pour relever …

 

En continuant votre navigation, vous acceptez que ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Plus d'infos

En poursuivant votre navigation, vous consentez nous autoriser dans le but d'analyser notre audience et d'adapter notre site internet et son contenu pour qu'il réponde à vos attentes, que nous utilisions Google Analytics, service susceptible d'installer un ou plusieurs cookies sur votre ordinateur.

Fermer