Pascal Chabot : Un sens à la vie. Enquête philosophique sur l’essentiel. PUF, 2024
Le titre du chapitre p. 181 résume bien le contenu de cette réflexion : « L’existence n’est pas un texte déjà écrit » – il nous reste de trouver notre chemin dans l’étrangeté de la vie. Chaque génération se confronte à cette interrogation du monde.
Est-il possible d’être librement auteur de sa vie et de lui donner sens ? Et de définir le mot sens ? Sens, la direction ? Sens, le contenu ? Sens alias le graal, un rêve irréalisable ?
Ces questions se font souvent jour quand l’homme atteint la cinquantaine, quand les dés sont déjà jetés, quand on regarde en arrière en se demandant si l’on a eu raison de prendre tel ou tel chemin. Page 142 on peut lire : « Chacun choisit en connaissance de cause pourvu qu’il laisse l’autre libre de ses choix. Il n’y a pas de chemin vers la paix, disait Gandhi, la paix est le chemin ».
Cela ne semble pas évident à première vue. Arrivés au milieu de notre vie, nous avons pu nous rendre compte à quel point le chemin peut être chaotique, incohérent, imprévisible, que nous n’en sommes pas vraiment maîtres. Cependant, si notre volonté n’est pas toute puissante, elle nous rend capables de créer notre vie, notre univers, avec divers moyens de bord à notre disposition, tout en restant fidèles à nos valeurs – et au bout, on peut trouver la paix. Bien sûr, notre monde n’a rien de paisible actuellement, guerres, éco-anxiété, et, surtout, l’intelligence artificielle qui semble en mesure de nous dépasser (La Singularité), nous inquiètent. De « Sapere aude ! » (ose savoir ! disaient les Anciens), nous passons à « nous savons pour vous » (p. 169) grâce à la délégation postmoderne.
Comment résister, prendre de la hauteur, sonder la complexité de l’âme humaine sans sombrer, se confronter au monde extérieur en évolution de plus en plus rapide ? Lecture et écriture peuvent être une aide pour garder la distance, à exprimer la richesse de nos vies malgré les aléas et cela même si les autres la raconteront autrement. Ce qui importe est de laisser une trace, de garder sa liberté intérieure dont le Mahatma Gandhi disait : « La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. Si telle est la juste compréhension de la liberté, notre effort principal doit être consacré à accomplir un changement en nous-mêmes». En écrivant son livre sur sa déportation à Auschwitz, Victor Frankl trouvait moyen de dégager quelques aspects positifs pour grandir intérieurement.
Aujourd’hui, le sens commun se désagrège, il a perdu « sa toile de fond » qu’étaient les Grands Récits. Il y avait Dieu, le Progrès, la Révolution (p. 198). Le sens commun est devenu un archipel à cause des réseaux sociaux où chacun trouve « sa bulle ». Cette « descente vers le particulier » fissure le cadre collectif – sera-t-il possible de faire marche arrière et réaliser ce qu’écrit l’écrivain portugais Michel Torga « l’universel est le local moins les murs » ? Peut-on espérer une métamorphose ?
« L’ouverture passe par le triangle de trois notions essentielles : passion-raison, la qualité, l’universel-singulier (p. 237) et, plus loin, « les métamorphoses donnent une dimension aventureuse au sens, l’élargissant vers l’inconnu (p. 238) ».
Dont acte. L’auteur poursuit avec une longue réflexion sur le sens de la mort et termine par : « Le sens de la vie, c’est de vivre… d’aimer et d’admirer. De s’amuser. De se révolter, aussi, quand on empêche l’essentiel. » Le sens comme un défi ?
Pascal Chabot propose une quête philosophique comme un rempart contre l’absurdité, le côté sombre de la vie ; il incite à vivre la vie au mieux selon les circonstances et de ne jamais désespérer, sachant que la liberté intérieure, est « ce qui ne peut être volé » selon le titre du texte de Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio (Tracts Gallimard).
Une VIE…
Tempête hurlante sur la mer
Bateaux à l’ancre
Havre
Monika Wonneberger-Sander
Octobre 2024