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17L205: Comment sortir de la violence ? Se réconcilier avec soi, avec les autres, avec le vivant ? par Forum 104

La réflexion et la pratique proposées par Charles Rojzman me semblent pertinentes pour entrer en dialogue avec des personnes différentes de nous, aux points de vue opposés, afin d’échapper à la spirale de la violence ou de l’évitement des conflits qui minent nos sociétés

Né en 1942 dans une famille modeste de juifs polonais, il a perdu ses 4 frères ainés, ses oncles et tantes dans l’extermination massive des juifs de Pologne par les nazis cette année-là. Caché avec ses parents dans une famille catholique de « justes » du Dauphiné, il a baigné très tôt dans la peur et la haine entre les hommes, mais il a bénéficié d’une éducation à la fois juive et catholique qui lui a donné, dit-il, « un sens de l’universel ».

Il a créé la thérapie sociale et l’a mise en application en France (entre jeunes des banlieues et policiers par ex) et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives (aux Etats-Unis, au Rwanda, en ex Yougoslavie, etc..).

Dans une 1ère partie, il recense les différents aspects de la violence.

Elle est universelle et beaucoup plus complexe qu’on ne le dit, explique-t-il. Il y a en chacun de nous un potentiel de violence qui peut s’exercer contre nous-même et contre les autres.

Nous avons tous été victimes d’une ou plusieurs formes de violences, à des degrés divers, par notre famille mais aussi par l’environnement social, politique diffèrent selon les pays, les époques. Et nous pouvons tous être auteurs de violences à des moments de panique, de peur.

La violence est une solution certes destructrice mais qui satisfait des besoins (en argent, en reconnaissance et en pouvoir).

La violence est individuelle mais elle peut devenir collective (Yougoslavie, Rwanda, etc..)

  • Comment définir la violence ? Elle revêt 4 formes :

-la maltraitance physique où l’autre est considéré comme un objet qu’on manipule (viol, inceste, esclavage) pour satisfaire son besoin personnel ; on peut aussi exercer une maltraitance contre soi (alcoolisme, toxicomanie, manque de soin, mutilations volontaires) ;

-la dévalorisation, l’humiliation de l’autre vu comme inférieur sont des violences ;

– l’indifférence, l’abandon, où l’autre n’existe pas pour moi, le sont également. La violence ne se manifeste donc pas toujours sous une forme extrême. On peut être violent en étant « gentil » ;

-la culpabilisation où je considère l’autre comme l’unique responsable de mes problèmes.

On peut ajouter la violence que nous infligeons à la nature.

  • Dans notre vie adulte, la violence que nous imposons aux autres est souvent la même que celle que nous avons subie. Elle est là pour nous protéger de nos peurs : peur de l’abandon, du rejet, de l’agression, peur de ne pas être à la hauteur.
  • De plus, nous ne savons pas nous adapter aux changements du monde qui sont générateurs de peurs à l’origine des violences. Les crises aujourd’hui sont multiples : du travail, de l’autorité qui conduit à la rébellion et/ou à la recherche d’une autorité forte, du lien, du sens qui conduit au nihilisme ou au fanatisme.
  • Charles Rojzman s’est interrogé sur les formes majeures d’inhumanité et les conditions qui favorisent leur apparition. Il a compris que les génocides se préparent des dizaines d’années à l’avance, que les malaises individuels restés sans réponses peuvent amplifier les violences collectives et se transformer en une recherche de coupables.

La 2ème partie propose des solutions.

-D’abord se connaitre et prendre conscience de sa propre violence sans s’accuser, en se disant qu’elle est le résultat d’une violence subie et souvent transgénérationnelle. Comprendre que nous avons tous des blessures et que les représentations que nous avons des autres viennent de nos blessures personnelles, familiales et transgénérationnelles.

-Ensuite adopter une certaine posture, un savoir être orienté vers l’amour, sans rejeter ou mépriser l’autre, et vers la coopération. L’être humain est double et la résilience est toujours possible avec aussi un environnement politique plus démocratique. Notre rôle à tous est de réparer le monde, c’est-à-dire nous-mêmes et les autres.

-Chaque crise représente une opportunité. Ainsi la crise du travail peut permettre plus de créativité chez les individus pour inventer leur vie, celle de l’autorité peut générer un nouveau type de lien (déjà visible chez certains jeunes parents), celle du sens peut consister dans la recherche d’une spiritualité sans dogme. Pour la crise du lien, accepter le conflit est une partie de la solution.

-En effet le conflit est nécessaire et inévitable car nous sommes tous différents (origine, sexe, culture..). L’agressivité est normale et la colère parfois justifiée. Le rôle des thérapeutes sociaux est, dans ce cadre, d’être au service de tous, racistes comme antiracistes par exemple, de créer un climat de confiance pour améliorer la vie commune sur un sujet précis.

Il faut bien sûr que les participants aient la motivation de sortir de leur souffrance pour accepter d’échanger sur les désaccords, accepter de se livrer et d’écouter la souffrance de l’autre. Chacun parle de lui, de sa responsabilité en tant que policier, que jeune de banlieue par exemple. Elle lui permet de découvrir sa violence, de sortir du sentiment d’impuissance et de voir autrement la réalité qui est complexe, de considérer l’autre comme un être humain qui souffre aussi, le partage de la souffrance étant une première forme de fraternité, humaine.

Alors que la violence sépare, porte atteinte aux liens sociaux, ces espaces de paroles permettent de les retisser, car le débat, y compris contradictoire, est une des bases de la démocratie. Il permet de passer « d’une logique d’ennemi à éradiquer à une logique de conflit entre adversaires »(1). Dans l’éducation, à l’école comme au sein des familles, une attention particulière doit être portée au langage, première des compétences humaines et politiques pour que tous aient les mots pour dire leur colère, exprimer leurs ressentis, partager leurs sentiments, besoins et aspirations, comprendre l’autre et se comprendre soi-même.

 

1/ Patrick Viveret, La colère et la joie, 2021, éditions Utopia.

A propos Régis Moreira

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