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Editorial L203: Fraternité, j’écris ton nom par Daniel Lenoir

Edito : Fraternité, j’écris ton nom

 

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer(1)

 

Fraternité, j’écris ton nom

Qu’en est-il aujourd’hui de la Fraternité ? Pour nous la plus importante des trois vertus de la République … mais comme seulement un sur dix de nos concitoyens ainsi que le révèle le baromètre publié ces jours par le Laboratoire de la Fraternité. Pour nous la plus importante des trois car ajoutée en 1848 pour essayer de (ré)concilier les deux premiers principes hérités de la Révolution – la Liberté et l’Égalité – et qui tirent souvent en sens opposé, Une vertu qui est au cœur du pacte républicain, du Pacte civique dont nous avons participé il y a douze ans à la création, et dont c’est, avec la sobriété, la créativité et la justice, l’une des valeurs cardinales.

Qu’en est-il aujourd’hui de la fraternité, au moment où une majorité de rencontre vote dans les mensonges croisés une loi qui introduit subrepticement la préférence nationale dans notre droit social et signe la victoire idéologique du lepénisme. Au moment où, contrairement à ce qu’il avait fait il y a quatre ans, le Conseil constitutionnel n’a pas osé faire usage du troisième principe de la République pour annuler les dispositions les plus choquantes de cette loi. Au moment où le même baromètre révèle que la vision positive d’une diversité considérée comme la principale caractéristique de notre pays décroît alors que la vision négative augmente significativement, révélant ainsi une forme de lepénisation rampante des esprits.

Qu’en est-il de la Fraternité, cette Fraternité universelle que nous célébrons désormais le 4 février, au moment où les bruits des bombes et des bottes, où l’horreur des attentats et des assassinats, où le spectacle morbide des victimes des guerres et des migrations, nous renvoient dans la nuit des temps primordiaux, quand le meurtre fraternel initial révélait la violence consubstantielle à cette humanité plus souvent démente que sage, ces homo tout autant demens que sapiens.

Qu’en est-il de la Fraternité au moment où le souci de la planète, de cette maison qui nous est commune, s’efface devant les intérêts des capitaux et de leurs détenteurs, des catégories et de leurs révoltes, des identités repliées sur elles-mêmes. Quand l’on voit progressivement monter les océans et le taux de CO2, et baisser la biodiversité et l’habitabilité de tant de territoires sans se préoccuper du sort de leurs habitants.

Qu’en est-il de la Fraternité au moment où nous entrons dans une année marquée du signe de l’Europe, ce lien ténu qui unit les habitants de le finistère occidental du continent asiatique, de cette excroissance septentrionale d’une Méditerranée fondatrice de spiritualités, et dont l’hymne a été composé sur un poème qui exalte la fraternité humaine. (2)

Qu’en est-il de la Fraternité, de cette adelphité (3)qui unit et les femmes et les hommes, en ce moment d’anamnèse de l’appel fondateur de l’abbé Pierre pour son septantième anniversaire, quand nos rues restent couvertes de tentes Quechua et de matelas récupérés devant les résidences.

Comme Edmond Rostand rappelant que « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière », tel Sisyphe heureux de pousser son rocher à chaque fois qu’il retombe, ou comme Eluard célébrant la Liberté du fond du trou de l’occupation nazie et de la collaboration pétainiste, c’est en ces moments de doute qu’il est nécessaire d’écrire, de dire, de chanter, de murmurer, de méditer le beau mot de Fraternité.(4)

Seid umschlungen, Millionen!

Diesen Kuß der ganzen Welt!

Brüder ! (5)

Soyons unis comme des frères,
d’un baiser au monde entier.
Amis ! bâtissons une ère
de paix pour l’Humanité.

 

Daniel Lenoir, président de Démocratie & Spiritualité

 

1/ Paul Eluard « Liberté » in Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin), Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit).

2/ Friedrich von Schiller, « An die Freude » (ode à la joie), 1785.

3/ L’adelphité (de la racine ἀδελφ– en grec, qui a donné ἀδελφόςadelphós, « frère » et ἀδελφήadelphḗ, « sœur ») est le lien de parenté qui unit les enfants nés des mêmes parents, sans distinction de genre. Au niveau politique, le terme d’adelphité cherche à dépasser ceux de fraternité (jugé trop masculin, voire sexiste, et n’incluant pas toutes les personnes) et de sororité (mot également limité car n’englobant que les femmes). (Source : Wikipédia).

4/ « Sans compétence anthropologique particulière, la question se pose de savoir si cette fraternité, ou plutôt cette adelphité, entre tous sur cette petite planète bleue, jusqu’à présent seule connue pour abriter une vie intelligente, relève de l’espoir, de l’espérance ou de l’utopie. »  Philippe Liénard, « Regard sur la Franc-Maçonnerie et l’Islam : Dialogue impossible ? », éd. Jourdan, 2017

5/ Friedrich von Schiller, « An die Freude »

6/ Georges Picard, propositions de paroles en français pour l’Hymne européen.

A propos Régis Moreira

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