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15L203: le Pacte civique a organisé le 23 Janvier 2024 un débat contradictoire sous le titre « Sobriété et Contradictions » par Monika Wonneberger-Sander

Lettre D & S, février 2024, rubrique : Que font nos partenaires – Le Pacte civique

Disputatio au CNAM

A l’image des débats du Moyen Âge – mais Cicéron en parlait déjà  – le Pacte civique a organisé le 23 Janvier 2024 un débat contradictoire sous le titre « Sobriété et Contradictions » entre Jean-Baptiste de Foucauld,(1) haut fonctionnaire français qui fut commissaire au plan, et André Comte Sponville,(2) philosophe et écrivain.

Comment définir la sobriété ? Est-ce une vertu ? Elle ne fait pas partie des quatre vertus cardinales : Prudence, Tempérance, Courage, Justice qui incitent à rester maître de soi-même, explique André Comte Sponville. Alors la sobriété, une petite vertu ? En appliquant le mot « sobriété » à son comportement personnel, on constate que ne pas boire, par exemple, préservera notre santé mais ne va pas sauver la planète. Par contre, la « sobriété » appliquée à la décroissance et au développement durable peut, à terme, la sauver. Mais gare à l’écologie culpabilisante.

La sobriété est bien, aujourd’hui, une nécessité  reprend Jean-Baptiste de Foucauld. Pour faire face au changement climatique, elle doit se composer avec le changement technologique nécessaire. Il faut les deux. Une sobriété naturelle existait avant la révolution industrielle, il est donc possible de la recréer, sans culpabiliser, mais en reconnaissant nos erreurs. Le GIEC prône le bien-être pour tous dans les limites de la planète par un ensemble de mesures politiques et pratiques du quotidien visant à économiser les ressources et donne ainsi à la sobriété une définition et la possibilité d’être créative : lutte contre le gaspillage, changement de valeurs (la fin du « toujours plus »). A terme, cette exigence est porteuse de bénéfice pour toute l’humanité si on sait la prendre en compte correctement.

Après cette introduction, on ne peut presque plus parler de confrontation, car, à partir d’approches différentes, un consensus est possible. Car la sobriété est un des moteurs du développement durable, elle fait croître autrement. La décroissance en tant que telle serait suicidaire, mais avec une sobriété davantage ouverte sur le progrès scientifique, technologique et politique (la morale seule est impuissante, la contrainte nécessaire), on peut sauver la planète en faisant du profit. Elle est utile pour construire une autre politique (que les corps intermédiaires n’apprécient pas ou pas encore), basée sur des valeurs nouvelles, sur des changements de mode de vie qui sont nécessaires pour compléter la révolution technologique. Des chocs comme le Covid et la guerre en Ukraine incitent déjà la société civile à être un soutien à l’action politique. C’est ce qu’Épicure appelait « le désir naturel nécessaire »… le  besoin naturel de sobriété ; Kant se posait peut-être à juste  titre la question si l’histoire de l’humanité ne reste pas à écrire.

Pour prendre le chemin de la sobriété, trois changements comportementaux seront nécessaires : les comportements personnels, le fonctionnement des organisations, les régulations de nature politique. Il s’agit d’inciter chacun à dépasser ses intérêts personnels tantôt par des petits gestes, tantôt par des actions plus fortes et parfois par la création d’alternatives. Le capitalisme,  « pacte faustien » avec l’intérêt, a concilié le progrès avec les égoïsmes, mais maintenant Méphisto présente la facture ! Ni la morale, ni la technologie ne suffiront pour changer cela, il faut y inclure facteur politique même s’il est  plus difficile à réaliser que l’engagement personnel. Et gare à l’optimisme béat.

 

En résumé, Jean-Baptiste de Foucauld propose trois régulations importantes :

  • Juridique : une redéfinition de l’entreprise, non limitée au profit
  • Fiscale : un taux d’imposition en fonction du taux de rentabilité
  • Temporelle : la possibilité de laisser aux personnes au travail le choix entre ‘plus de temps personnel’ et ‘moins de revenu’ grâce au « temps choisi »

Nous avons vécu une rencontre porteuse d’espérance.

Monika Wonneberger-Sander

 

1/ Jean-Baptiste de Foucauld : L’Abondance frugale, Odile Jacob ; 2010

2/ André Comte-Sponville : Petit traité des grandes vertus ; PUF ; 1995

A propos Régis Moreira

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