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7L199: Fin de la chrétienté de Chantal Delsol par Patrice Obert

LA FIN DE LA CHRÉTIENTÉ 

Chantal DELSOL

Ed. Le Cerf

 

Lecture de Patrice Obert

Que vous soyez cathos de droite ou de gauche, épicuriens, résolument écologistes, anticléricaux, vous serez réjouis par ce petit livre écrit dans une langue fluide et claire. Chantal Delsol, philosophe engagée et connue pour ses engagements à droite, s’élève au-dessus de la mêlée et nous livre une réflexion qui se préoccupe de l’essentiel, c’est-à-dire des mouvements de civilisation. Une civilisation écrit-elle, c’est « une manière de vivre ; une vision des limites entre le bien et le mal » (p.20). Souvent, je dis qu’une civilisation, ce sont les raisons de vivre et de mourir que partagent en un lieu et un temps des hommes et des femmes. Nous nous rejoignons.

Nos choix de vie fondamentaux, nos lois, nos mœurs, notre morale, obéissent, que nous en soyons conscients ou non, à des paradigmes profonds qui définissent justement notre civilisation. Chantal Delsol défend l’idée que la Chrétienté, qui s’est imposée au IVème siècle contre le paganisme (excellent passage de la page 57 à la 68), est entrée depuis deux siècles dans une lente mais irrémédiable agonie face à une Modernité qui repose sur la toute-puissance de la liberté, qui consiste à ce que l’individu puisse faire tout ce que la technique lui permet.

Selon elle, nous sommes entrés dans une nouvelle période, nous devenons « asiatiques » (p. 145) aspirant à la liberté et à la fraternité, plutôt qu’au bien et à la vérité, ayant abandonné toute volonté impérialiste d’évangéliser le monde entier (p.145/146). Les chrétiens d’aujourd’hui, s’ils continuent à batailler contre certaines lois sociétales, savent qu’il s’agit d’un combat perdu d’avance. Il leur reste à savoir ce qu’ils deviendront, petit reste minoritaire, ou frange raidie ou encore humbles marcheurs se dirigeant vers la fontaine sans souci d’hégémonie.

Cette lecture du temps long me semble profondément juste et Chantal Delsol l’éclaire magnifiquement. J’aurais toutefois souhaité lui poser plusieurs questions :

Sur le concept même de « Chrétienté » qu’elle définit ( p. 20 et 48) comme une domination sur les lois et les mœurs du fait de l’église et qu’elle date de façon précise de 394 à la mi-XXème siècle

Sur ce qui se passe ailleurs dans le monde. Elle évoque p. 137 et 143 la propagation d’idées chrétiennes par d’autres voies mais qu’elle analyse comme un appauvrissement, un recyclage, aboutissant à un humanitarisme alimenté par l’émotion.

Sur la coexistence des trois monothéismes face à la modernité et à cette expansion des sagesses asiatiques, sujet que j’ai timidement abordé en 2006 dans mon essai  “ Modernité et monothéismes “ Ed. Karthala.

Autrement dit, cette fin de la chrétienté est-elle un épuisement de la foi chrétienne ou  l’occasion d’un épanouissement du message évangélique ?

04.07.2023

A propos Régis Moreira

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