8L196: La guerre en Ukraine et après par Jean Claude Devèze

La guerre en Ukraine : et après ?

Le bloc-notes de Frédérique Boyer dans La Croix L’Hebdo du 11 février s’intitulait L’Europe et sa tragédie. Le chroniqueur nous alertait « sur l’effort surhumain, éthique, politique, à accomplir pour sortir de la logique du pire ». Ses propos nous invitent à réfléchir dès maintenant aux suites qui seront données à la guerre entre l’Ukraine et la Russie, guerre déjà à dimension mondiale par ses conséquences et les nouvelles alliances qu’elle recouvre ou dessine.

A cet effet, il est important de se référer à ce qui s’est passé après les deux guerres mondiales du siècle précédent pour faire le bilan de ce qui a été alors réalisé : des traités de paix imparfaits qui n’ont pu éliminer les frustrations des vaincus ; des efforts coûteux de reconstruction matérielle ; des nouvelles donnes internationales ayant abouti après la seconde guerre mondiale à la création de l’ONU et de ses organisations et à l’édification de l’Union européenne. Plus délicates à évaluer sont les transformations des ressentis personnels comme des mentalités collectives ; celles-ci prennent du temps comme le montre le rapport à la mémoire de la Shoah, mais elles sont aussi en déshérence quand les élites politiques ne les favorisent pas comme c’est le cas en Russie qui n’a jamais reconnu le massacre des officiers polonais à Katyn et qui a refusé le travail de mémoire sur les dérives inhumaines de l’URSS.

Pour assumer et dépasser les conséquences de la tragédie en cours, les voies à suivre seront complexes vu les multiples suites possibles à la tragédie en cours. La recherche d’une paix équitable ne semble négociable par l’Ukraine qu’après la défaite de la Russie poutinienne, Russie qui devrait être condamné pour ses crimes contre l’humanité et qui devrait largement prendre en charge la reconstruction de l’Ukraine ; la réalisation de cette option peu probable nécessiterait un engagement plus fort et plus rapide de l’Occident dans la guerre, l’enjeu étant aussi pour les démocraties libérales de lutter contre les nationalismes, les populismes, les régimes autoritaristes et les nouveaux impérialismes. En parallèle, il faudra de toute façon multiplier les échanges et dialogues pour favoriser la réconciliation des ukrainiens et européens avec un peuple russe acceptant de faire un travail de reconnaissance des dérives impérialistes vers lesquelles leurs responsables politiques les ont conduites. Dans un contexte international où les rancœurs contre l’Occident et contre l’impérialisme américain augmentent, il faudra veiller à l’exemplarité des démocraties libérales au plan intérieur comme extérieur et donc à la cohérence de leurs agissements avec leurs principes qu’elles voudraient rendre universels. Pour l’Occident, y a-t-il une voie vers une paix durable sans cultiver plus d’humilité et d’exemplarité dans nos comportements personnels comme collectifs ?

Jean-Claude Devèze (14/02/2023)