« Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son envol » ( Georg Wilhelm Friedrich Hegel).
Cette citation au tout début du livre* de Abdennour Bidar prévient. Un réveil est nécessaire, le temps est venu de prendre du recul avec la pandémie de Covid 19, même si celle-ci n’est pas totalement terminée. L’épreuve a été rude. Comment avons-nous réagi ? Ce livre sonne l’alarme à travers dix questions.
Elles interrogent l’évolution des trois valeurs fondamentales liées à notre démocratie, liberté, égalité, fraternité : les restrictions des libertés, le rapport entre sécurité et liberté, l’accroissement de certaines inégalités, l’atteinte à la fraternité à travers notre lien social mis à mal.
Notre humanisme a été profondément touché : le «prendre soin de la vie» abîmé par les restrictions d’accompagnement (naissance, la mort, etc) ; les relations détériorées par la peur, l’isolement, le confinement.
D’autres questions portent sur la dérive vers une société de contrôle, l’esprit critique,… .
Même si la formulation reste interrogative, le caractère excessif des décisions prises est résolument affirmé. Le livre est traversé par un vent rebelle.
Ainsi est radicalement dénoncée la dérive vers une société de contrôle : «Avec les confinements et toutes les autres mesures de contrôle de libertés, dont le traçage numérique par l’application ‘Tous AntiCovid’, qu’est-ce donc qui désormais nous sépare de la Chine ?». De même, concernant le débat : « la communication politique et médiatique n’a-t-elle pas imposé, depuis le début de la crise, ce que j’appellerais un traitement aussi unilatéral qu’hégémonique de l’événement ? ».
Les coups portés contre la radicalisation des choix effectués sont rudes, ils frappent à la porte pour l’ouvrir et aller vers plus d’humanisme, de vivant, de liberté. Ces coups ébranlent, demandent de ne pas détourner les yeux, de regarder les dangers qui touchent la personne et la société française dans son ensemble Nous sommes exposés à «un triple péril : le contrôle des comportements, la dissolution des liens, la confusion des esprits».
Une remarque. Les questions ne sont pas toujours des questions. Elles induisent la réponse. En même temps, ces questions secouent par leur authenticité, leur résonance rebelle et indignée. Ce petit livre m’a fait réfléchir, bouger, et reste toujours à creuser.
L’avertissement est sévère. A nous de «penser pour panser», de veiller sur notre démocratie menacée. Abdennour Bidar appelle à ouvrir un débat de démocratie participative et décentralisée dans les communes, les quartiers, les entreprises** afin de «réagir politiquement et collectivement de façon plus ajustée et plus consciente.».
*Démocratie en danger, dix questions sur la crise sanitaire et ses conséquences. Abdennour Bidar, Les liens qui libèrent, collection « intervention ». 64 pages, mai 2022.
**Cet appel est lancé dans la tribune «un silence assourdissant a remplacé un vacarme effroyable» Abdennour Bidar (Le monde 15 juin 2022) et «La démocratie sous Covid Long» (L’Obs, 9 juin 2022).