Poème extrait de “Ljóð” (Chant) – 1937
Steinn Steinarr
C’était le soir.
Et nous étions dans le jardin,
deux enfants pauvres.
Et nous regardions le soleil
disparaître
derrière les montagnes
dans le lointain.
Il est si étrange, semble-t-il,
lorsque l’on est jeune,
que le soleil doive disparaître
du ciel
derrière des montagnes lointaines.
C’est comme si une main étrangère
vous avait arraché
votre jouet.
Et nous
qui ne voyions pas venir le soir
dans la blanche sécurité du jour solaire,
restions silencieux, étonnés
devant ce mur noir
que nous ne franchissions pas,
c’était la nuit.
Et nous demeurions en ce jardin,
deux enfants pauvres.
Ce fut alors
que tu me dis ton secret,
le grand secret,
dont personne encore
n’avait eu connaissance.
C’était si bon
et mystérieux,
c’était le plus beau secret du monde.
Et nous restions à nous chuchoter
l’un à l’autre
des propos étranges,
des propos ailés,
sur le soleil
qui brillerait dans le ciel
plus grand et plus brillant
que jamais encore,
et sur les hommes
qui seraient si bons pour les enfants.
« Alors tous les hommes seront aussi bons,
déclaras-tu,
que les fleurs.
Alors ce ne sera plus la peine
de redouter l’obscurité,
car il ne fera plus jamais nuit
quand le monde aura été délivré. »
Et nous restâmes en ce jardin,
un soir,
il y a deux mille ans,
deux enfants pauvres.