Au cours de sa dernière réunion plénière, le groupe de travail de D&S consacrée à la thématique « Laïcité et Spiritualité » » » a mis en discussion un document de travail cherchant à esquisser une voie de dépassement des tensions propres à notre époque de compétition victimaire, de colère et de compétition identitaire (ce sont des termes utilisés par Delphine HORVILLEUR), amenant une demande accrue de sécurité..
Comment cette voie de dépassement est-elle envisagée ?
Par une prise de recul, à la fois dans l’espace (examen de la situation en France, en se comparant aux espaces européen et mondial) et dans le temps (avec notamment la visibilisation plus grande donnée à l’islam dans notre pays).
Par l’affirmation de la démocratie et de la spiritualité comme double chemin pour faire face aux multiples fêlures contemporaines.
Aussi, le document proposé comprend-il deux parties : la première fait un état des lieux (regain de tension dans la relation entre laïcité et islam, différentes conceptions de la laïcité en France, projet de loi visant à renforcer les principes de la République) et la deuxième partie va tenter de mettre en avant les ressources spirituelles pour notre démocratie (avec notamment les perspectives de l’enseignement de la laïcité et du fait religieux à l’école, et ce que pourrait être une éducation à la spiritualité dans notre pays).
La discussion qui s’en est suivie a mis au jour trois séries de questionnements :
– Notre futur document ne devrait-il place faire place à deux suggestions complémentaires : devrions-nous nous familiariser avec les textes fondateurs des uns et des autres pour mieux mesurer nos différences ? Comment créer et susciter des solidarités à l’égard des peuples du Sud et des laissés pour compte dans nos sociétés occidentales, pour apaiser les frustrations et les ressentiments ?
– Faudrait-il faire un parallèle entre laïcisation et sécularisation et approfondir l’intérêt de cette distinction ? On peut observer différentes formes de laïcisation, comprise comme quelque chose qui regarde toutes les formes de spiritualité, et pas uniquement celles d’ordre religieux à l’instar de l’existentialisme, des analyses marxistes de la société ou encore des spiritualités qui peuvent être qualifiées de négatives comme l’évangélisme. Laïcisation distincte de la sécularisation, entendue elle en tant qu’indifférence ou rejet de tout ce qui est religieux.
– A qui serait destiné ce texte ? L’idée a notamment émergé pour le groupe D&S « Éducation et Spiritualité » de produire un guide à l’usage des éducateurs sur cette thématique. A l’instar des autres groupes de réflexion au sein de l’association, le texte en discussion pourrait prendre la forme d’un guide de discernement, à la fois pour les membres de l’association et pour les lecteurs. Car il s’agit de faire œuvre utile et de sortir d’un « débat sans nuance » (selon l’expression de Jean BIRNBAUM) en fournissant des éléments pour prendre position et agir. Il s’agirait de montrer que les spiritualités ont valeur d’ouverture à la fois d’un point de vue collectif, pour les démocraties, mais aussi d’un point de vue individuel, pour ce qui concerne la quête de sens, la destinée humaine.
Le groupe de travail « Laïcité et Spiritualité » contribuera évidemment au questionnement de la prochaine université d’été : « Quel sursaut spirituel pour faire face aux défis auxquels nos démocraties sont confrontées ? ». L’objectif sera alors de susciter des contributions nouvelles sur le sujet, partant des tensions constatées au sein de notre société liées à la coexistence de plusieurs religions, avec des formes d’expression plus ou moins compatibles avec la laïcité.
« La laïcité [ n’est-elle pas] une promesse qui rend l’air respirable [ ?] », comme le dit Delphine HORVILLEUR. Dans l’entretien donné à Ouest-France(30/05/2021), elle va même un peu plus loin : « Peut-être, faut-il re-spiritualiser la laïcité ? C’est-à-dire redonner du souffle à nos textes fondateurs, pour qu’ils reprennent vie, à condition qu’on ne le fasse pas avec un projet dogmatique ou prosélyte ».
La laïcité pourrait être perçue alors comme un défi (ou davantage une condition), et l’inter-convictionnel comme un sursaut.
Sébastien DOUTRELIGNE et Marcel LEPETIT