Répondant à une question du Journal du dimanche du 18 avril sur l’avenir de l’Observatoire de la laïcité, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté a indiqué que le gouvernement avait besoin d' »une administration solide sur la laïcité ». Il peut bien sûr y avoir différents points de vue sur l’action qu’a conduite l’Observatoire de la laïcité pendant huit ans, même si certaines des critiques qui lui sont adressées relèvent davantage du procès en sorcellerie que de l’évaluation contradictoire de son bilan. On peut surtout être surpris que l’on envisage de remplacer cette structure placée auprès du Premier ministre par une administration, fut-elle « solide ».
La Constitution dans son article premier définit la France comme « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il n’y a pas pour autant d’administration chargée de l’indivisibilité, ni de la démocratie ; quant au social, il s’incarne dans un ensemble d’institutions qui font bien plus que l’administrer.
Pour ce qui concerne la laïcité, il y a déjà au ministère de l’Intérieur – et c’est nécessaire pour appliquer la police des cultes prévue par la loi de 1905-, un bureau des cultes, qui, s’agissant de l’exercice d’une liberté fondamentale, pourrait aussi être rattaché au ministère de la justice. Mais à part ce sujet, la laïcité a moins à être administrée, qu’à inspirer, non seulement l’ensemble des politiques publiques (et de ce point de vue le rattachement de l’Observatoire au Premier ministre était pertinent), mais aussi l’ensemble du « vivre ensemble » républicain, ce qui ne relève pas uniquement de l’exécutif.
La laïcité, l’un des principes fondamentaux de la République comme le rappelle la Constitution, vise à combiner, et parfois à concilier, sur le terrain des convictions religieuses et spirituelles, les trois exigences portées par notre devise nationale, la liberté, l’égalité et la fraternité. Cela peut conduire à des dilemmes difficiles à trancher, ce que l’exécutif est souvent mal placé pour faire, ce pour quoi le recours aux juridictions peut s’avérer trop lourd et trop long pour assurer une régulation dynamique, et sur lesquels la modification régulière et opportuniste de la loi s’avère inopérante, comme viennent de l’illustrer les surenchères dont a été l’objet le projet de loi renforçant les principes de la République.
Pour régler ce type de dilemmes, par exemple sur les terrains de « l’informatique et des libertés », ou de « la défense des droits des personnes », nous avons su mettre en place des Autorités administratives indépendantes (en l’espèce la Cnil et le Défenseur des droits) qui jouent un rôle de régulation dynamique, adaptée à l’évolution rapide du contexte, et reposant en grande partie sur la médiation et la recommandation. Sur le même modèle, et pour que la laïcité redevienne l’un des « piliers du consensus républicain », l’association Démocratie & Spiritualité, qui regroupe des personnes de toutes convictions et sensibilités et est attachée à la laïcité comme condition du dialogue interconvictionnel au sein de la société civile, appelle à la mise en place d’une autorité indépendante chargée de la laïcité, qui vienne compléter l’ensemble des dispositifs existants.
Démocratie & Spiritualité
Paris, le 28 avril 2021