1- Un fait, profondément inédit dans l’histoire de l’humanité
L’arrivée historique des vraies « limites », globales et incontournables, de notre environnement (ressources disponibles, innocuité de nos rejets de CO2, etc…), … face à la tendance profonde de l’homme du « toujours plus », sous-tendue par la structuration de nos neurones, qui d’après les neurosciences recherchent non pas le seul plaisir, mais l’augmentation permanente du plaisir et de la toute-puissance.
Ces deux situations, mises en regard, donnent une idée de la profondeur de la mutation nécessaire, à la fois dans tout homme et dans l’humanité, face à la réalité :
- il n’y a pas de « planète B » qui nous permettrait de lever la contrainte de ces limites ;
- le « toujours plus », ancré dans nos cerveaux ne va pas disparaître d’un coup de baguette magique, l’histoire de l’humanité nous le montre amplement.
Il s’agit donc de gérer avec créativité, un tournant anthropologique vers autre chose que ce que nous connaissons.
Le basculement « de l’avoir à l’être », est en filigrane derrière cet enjeu … D’où la dimension humaniste, éthique et spirituelle incontournable.
La mutation du processus de la vie sur terre, lors du passage du monocellulaire au pluricellulaire, dont parle Pablo Servigne dans son livre sur « L’entraide », peut fournir une comparaison qui aide à comprendre ce que le processus de la vie a gagné, peut gagner, à cette occasion.
2- La nécessité vitale du retournement complet d’une logique de base
Comme le résume Pablo Servigne (livre sur l’entraide, p 218) : « Aujourd’hui nos sociétés fonctionnent sur la logique des bénéfices individuels (privés) et des coûts collectifs (publics). Pour lutter contre le réchauffement climatique, on compte sur l’exact inverse : des coûts individuels [pour chaque Etat concernant le programme d’investissement pour tenir ses engagements climatiques, et pour chaque citoyen concernant l’impact sur son mode de vie lié à sa réduction de rejets de CO2], et des bénéfices collectifs [une stabilisation du climat évitant des risques majeurs pour beaucoup de citoyens, et un mieux-être global]. Et l’on s’étonne que cela ne fonctionne pas ».
Nous faisons actuellement l’expérience, avec la pandémie du Covid et les vaccinations, à l’échelle nationale et mondiale, des difficultés profondes d’acceptation de certains « coûts individuels pour des bénéfices collectifs », et des mécanismes correspondants qui entretiennent ce phénomène ; cela fait réfléchir quant à la perspective des équivalents dans le cadre du changement climatique, défi autrement plus lourd de conséquences, et aux effets plus différés, … Tirons bien et sans tarder les enseignements génériques de la pandémie pour nous-même et pour l’humanité : nous en avons réellement besoin.
Est-ce que les religions, les spiritualités, l’humanisme, l’éthique ne seraient pas, depuis leurs origines, un des supports qui a essayé, tant bien que mal, de capitaliser et de transmettre l’expérience de l’humanité en vue d’apprendre à vivre ensemble, justement pour aider à accepter des « coûts individuels » (don aux autres, …) pour des « bénéfices collectifs » (existence collective vivable, …) ? « Déminons », sans tarder, les pièges cachés dans les mots et les a priori, pour pouvoir profiter des richesses et des pistes de solutions, contenues dans ces différentes formes de « condensé d’expérience en humanité ».
3- Le défi à relever, des transferts d’énergie … psychiques
Comme l’analyse Christophe André, psychiatre, d’une façon très synthétique : « … Ils [les jeunes qui se mobilisent aujourd’hui pour le climat] vont devoir réorienter l’énergie mise dans le consumérisme (travailler et consommer) vers des idéaux plus intelligents (partager et savourer) … Les mobiles bas enferment plus d’énergie que les mobiles élevés, écrit Simone Weil ; problème : comment transférer aux mobiles élevés l’énergie dévolue aux mobiles bas? Problème aujourd’hui capital. Réponses bienvenues. Et urgentes… ».
N’est-ce pas justement le travail que, depuis plusieurs millénaires, essayent de faire les parties profondément spirituelles des religions, les prophètes, les pasteurs, les humanistes, de « transférer aux mobiles élevés l’énergie dévolue aux mobiles bas » ?
Comment communiquer sur ces besoins, sur ce besoin de sursaut car le temps nous est compté ? Comment convaincre du rôle du spirituel quand les mots sont profondément piégés ? Comment faire profiter le travail sur les défis, de l’inspiration créatrice des spiritualités, à la hauteur des enjeux ? Comment nous nourrir quand la tâche de transformation est et sera lourde au quotidien, dans des environnements de plus en plus incertains, voire parfois chaotiques ? Quelle(s) source(s) peuvent désaltérer nos soifs en humanité, et nous aider à « transférer ces énergies intérieures, et ces énergies collectives », face à la réalité des défis ?