Note de lecture de Patrick Boulte parue dans la Lettre D&S n°180 Avril 2021 à propos du livre de Rémy Rioux : Réconciliations
« Et si l’espoir venait de la politique de développement, la plus méconnue, la plus discrète, la plus éloignée du fracas, la plus modeste aussi sans doute parmi les instruments de l’action internationale »
Le post-scriptum de ce livre en dit bien l’intention. Dû à la plume du directeur général de l’Agence Française de développement, dont le champ d’action est le monde entier, cet ouvrage nous ouvre sur des réalités qui échappent généralement à nos préoccupations habituelles, tant quotidiennes qu’hexagonales, et qui n’en ont pas moins des incidences importantes sur notre présent et sur notre avenir.
Derrière l’image prégnante du monde, faite de multiples fractures, de conflits et d’influences en concurrence, il en existe une autre, celle dessinée, dans le monde entier, par le réseau des acteurs ou des agences du développement, d’une grande diversité de nationalités. Leur action, celle à laquelle participe, avec d’autres, l’AFD, se déroule sous de multiples latitudes, aussi bien en Turquie (qui l’eut cru ?) qu’en Inde, en Colombie, à Mayotte, au Tchad, au Burkina Faso, etc. A titre d’illustration, l’International Development Finance Club, réseau de vingt-quatre banques de développement engage, chaque année, 850 Milliards de dollars.
L’auteur donne à ces opérations un cadre conceptuel commun, celui de la réconciliation. L’idée lui en a été donnée par le travail diplomatique à l’échelle de la terre entière (197 pays concernés) dont il a été le témoin et qui a abouti à la COP 21. Il en fait la théorie après avoir observé et analysé ce qui s’est passé dans des opérations improbables de réduction de fractures : au Canada avec les peuples premiers, dans les commissions « Vérité et réconciliation » dans des pays africains, notamment en Afrique du Sud, en Nouvelle-Calédonie, avec les accords de Nouméa, en Allemagne au moment de la réunification, sans oublier l’échec de certaines tentatives, comme dans les Balkans.
« Une réconciliation suppose un accord fondateur, un changement dans la réalité et un mécanisme de suivi précis et légitime pour vérifier dans la durée que les promesses ont été tenues » (p.83). Le processus, recommandé pour le montage de projets de développement, se décline en quatre phases. Il faut commencer par écouter les parties en présence, mobiliser un maître d’ouvrage local, procéder à des études de faisabilité décidées par lui, s’assurer de l’engagement des diverses parties prenantes et, enfin, évaluer le projet, ex ante et ex-post, selon une grille de développement durable. Car cette action, qui concerne rien de moins que la réalisation du « monde en commun », se déroule toute entière dans le but d’atteindre, systématiquement et volontairement, les 17 objectifs du développement durable que l’ONU s’est assignés à l’horizon 2030.
Patrick Boulte – 23.3.21