COMPTE-RENDU DE LA CONVIVIALE-DEBAT D&S DU 8 JANVIER 2018
Nous étions convenus de partir des quelques phrases proposées par 3 participants avant le 8 janvier, de recueillir des propositions complémentaires parmi les personnes présentes et de prendre appui sur ces items pour débattre sur nos positions respectives sur « la fin de vie ». Il avait été proposé plusieurs semaines auparavant que chacun s’interroge sur sa position et son questionnement personnel actuel à trois niveaux :
– pour moi,
– pour mes proches,
– pour la société.
Et ce, dans la perspective de Démocratie et Spiritualité.
Les 8 propositions de phrases à discuter reçues avant la Conviviale-Débat ont été d’abord proposées aux 18 participants, puis six nouvelles ajoutées en début de réunion par certains d’entre eux. Les 14 phrases en résultant ont alors été soumises à un vote à main levée, chacun indiquant ses trois phrases préférées pour le débat. Voici ces phrases, avec le nombre de voix obtenu indiqué ente parenthèse :
1) L’amélioration et le développement des soins palliatifs devraient permettre de vivre sa mort dans la dignité (3 voix)
2) Il y a une liberté et une dignité à anticiper sa mort, un désir de rester sujet jusqu’à la fin de sa vie. (7 voix)
3) Vouloir contrôler sa mort est une angoisse de bien portant
4) Une société qui admet l’euthanasie est une société qui a gagné en humanité (4 voix)
5) La foi en une seconde vie après la mort aide à quitter la première (7 voix)
6) Les soins palliatifs ne sont pas incompatibles avec la dépénalisation de l’euthanasie (8 voix)
7) La légalisation de l’euthanasie ouvre la porte à l’élimination des plus vulnérables (6 voix)
8) Nous ne sommes pas propriétaire de notre vie (4 voix)
9) Si la loi ne régule pas en assouplissant les conditions de l’euthanasie, l’économie le fera (1 voix)
10) Tant qu’on n’est pas en situation pour soi-même ou pour un proche, il est très difficile d’avoir une position ferme (7 voix)
11) La fin de vie doit aider à ponctuer son cheminement vers l’essentiel, marqué par des choix et des renoncements (1 voix)
12) On ne peut tout régler par la loi : chaque cas est singulier (8 voix)
13) L’objectif pour une « bonne mort » est la coopération entre les « se soignant », les soignants et les proches (consensus sur cette phrase)
14) La fin de vie assistée doit être possible à tout âge (0 voix)
Temps de débat :
Les propositions qui ont recueilli le plus de voix ont été soumises à débat par ordre du nombre de voix.
Les prises de position et de parole se sont majoritairement faites à main levée. Deux d’entre elles (12 et la première partie de la 2) ont été approfondies grâce à une application partielle de la « méthode des 4 coins » (d’accord/ pas d’accord / ne sait pas / à reformuler), peu de personnes se déplaçant vers un des coins.
Il est apparu par ailleurs que plusieurs notions méritaient d’être éclairées ou approfondies (les dispositions actuelles de la loi, les circonstances de la « sédation profonde et continue », la dignité) ou définies (l’euthanasie, le suicide assisté, la notion de « sujet »).
La proposition 6 – Les soins palliatifs ne sont pas incompatibles avec la dépénalisation de l’euthanasie (8 voix) – s’est révélée consensuelle et n’a donc pas prêté à débat : elle a été retenue telle quelle.
La proposition 12- On ne peut tout régler par la loi : chaque cas est singulier (8 voix)-s’est avéré plutôt consensuelle, a abouti après nos échanges à la reformulation suivante :
« La loi doit laisser des espaces appropriés qui permettent la prise en compte par d’autres instances (Conseil d’Etat, etc.) des cas singuliers. »
La proposition 2 – Il y a une liberté et une dignité à anticiper sa mort, un désir de rester sujet jusqu’à la fin de sa vie. (7 voix) – a nécessité de nombreuses reformulations et précisions. Elle a été scindée en deux sous-propositions :
«La possibilité (ou pas) d’anticiper sa mort ».
Une phrase a été proposée : « Anticiper sa mort, c’est être conscient d’être mortel, et le moment venu, l’accepter. » Le débat a alors porté autour des désaccords ou des nuances entre « l’accepter telle qu’elle vient », « l’accepter et la décider », « la décider », ce qui a introduit la question « Suis-je propriétaire ou seulement dépositaire de ma vie : puis-je en disposer ? »
Nous n’avons pu conclure sur ces points en trouvant une formulation consensuelle.
« Le désir de rester sujet jusqu’à la fin de sa vie » a donné lieu à une réflexion sur la notion de Sujet, conscient et/ou inconscient, à la distinction entre le « Moi » et le « Je », et la capacité de formuler son désir.
On existe avant de devenir peu à peu sujet par la naissance. De même on peut cesser d’être sujet avant de mourir. La mort est une expérience à vivre pleinement. Elle fait partie du courage de vivre.
La question de la souffrance physique et de la souffrance psychique a été posée, avec celle de la demande d’euthanasie.
Nous avons conclu par cette formulation : « On doit respecter chaque personne, consciente ou inconsciente, jusqu’à la fin de son existence. » (plusieurs témoignages ont été partagés au cours des échanges)
La proposition 5 – La foi en une seconde vie après la mort aide à quitter la première (7 voix) – a été reformulée de la façon suivante :
« Avoir trouvé un sens à la/sa vie peut aider à donner un sens à sa mort. »
Observations et remarques sur notre débat
Les 20 dernières minutes ont été réservées à la restitution de l’observateur (Marcel Lepetit, que nous remercions d’avoir accepté cette fonction qui le restreignant dans sa participation), et aux premières remarques sur l’expérience partagée.
Marcel note qu’il y a 18 participants : beaucoup ou peu selon les appréciations.
Il s’étonne que la consigne de réfléchir aux 3 niveaux de la problématique (ce qui est important pour moi / pour mes proches /pour la société) n’ait pas donné lieu à plus de réponses. Il apparaît alors que plusieurs personnes présentes se sont effectivement prêtées à l’exercice mais n’ont pas choisi de le diffuser par courriel.
Marcel souligne un problème de méthode. Certes, la méthode des 4 coins fait apparaître la légitimité des positions, mais elle gagne en l’occurrence à ne pas être appliquée de façon trop rigide. Ce soir, des échanges sans déplacements vers un des coins ont permis l’expression de témoignages, personnels et professionnels (une participante a parlé de son expérience en tant que médecin). Mais peut-être serait-il aussi pertinent de recourir à des méthodes alternatives (par exemple cercle de paroles) pour l’expression de témoignages intimes.
Ensuite les participants ont présentés les remarques suivantes :
– Le manque de définitions précises qui puissent faire référence pour l’ensemble des participants et la disparité du niveau d’information sur la loi actuelle sur la fin de vie (et ses étapes de 2005 puis 2016) ont été soulignés.
– Le besoin d’exprimer des expériences personnelles pouvait être écouté mais pas forcément assez accueilli dans le cadre du débat mouvant avec déplacement vers les 4 coins. Par contre les déplacements peuvent donner plus de dynamique aux échanges.
– Certains se posent la question de la possibilité d’un débat mouvant sur un thème aussi sensible.
– La diversité et l’accumulation non hiérarchisée des propositions-items, jusqu’au jour même de la Conviviale, ne permet pas de bien cibler le sujet, et encore moins de l’articuler aux dimensions de la démocratie et de la spiritualité.
– L’actualité du thème, avec l’ouverture prochaine (18 janvier) d’Etats généraux sur la fin de vie à l’initiative du gouvernement, donne envie à plusieurs participants de consacrer une autre Conviviale à ce thème, en resserrant le sujet sur l’élaboration de la loi, notamment si celle-ci prévoit d’inclure un droit à la demande d’euthanasie.
Premiers enseignements de cette expérience
On doit se demander pourquoi il y a eu peu de mouvements : accès aux quatre coins non optimum, peur de rester longtemps debout après une journée fatigante, phrases non assez clivantes, thème sociétal se prêtant moins à un débat mouvant, mode d’animation…
Par ailleurs, sur un tel sujet, malgré le travail préparatoire, il faut se demander s’il ne faut pas plus de temps pour formuler les propositions à débattre, les classer et hiérarchiser (non pas en termes d’importance, mais de pertinence pour un débat d’idées) ; on peut aussi se demander si le sujet ne demanderait pas une phase d’approfondissement (en particulier informations partagées et témoignages) en amont d’un débat mouvant ou, mieux, d’une réelle construction des désaccords sur une journée. Cela suppose de toute façon plus de temps et un travail de préparation plus poussé de la part des animateurs comme des participants (informations, définitions, propositions de phrases, remarques, critiques, questions, etc.)
Il est trop tôt enfin pour conclure sur la question de savoir si un débat mouvant durant deux heures ou une construction des (dés)accords durant une journée sont des méthodes valables ou non pour un débat sur la fin de vie. Plusieurs expériences de débat sur le même sujet aboutiraient sans doute progressivement à des formulations plus clivantes et mieux hiérarchisées améliorant la qualité du débat mouvant et sa dynamique (voir livre de JC Devèze « Pratiquer l’éthique du débat, le défi de la délibération démocratique », Chronique sociale, 2018).