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Emmaüs une interpellation

Conviviale du 11 avril 2015:

Emmaüs, une interpellation

Compte rendu de Paul-Philippe Cord de la réunion conviviale du 11 avril avec Christophe Deltombe ancien Président d’Emmaüs

 

En 1949, l’abbé Pierre, achète avec ses propres revenus une maison à Neuilly Plaisance pour héberger des familles sans logis. Il accueille même des familles dans son église car dit-il « Jésus a froid ».

En accueillant Georges, un désespéré qui voulait se suicider, il lui déclara qu’il n’avait rien à lui donner, mais qu’en revanche, lui, Georges, pouvait l’aider à en aider d’autres qui voulaient vivre.

Et c’est sur ce aider à aider que s’est bâti Emmaüs, le plus démuni découvrant qu’il peut donner, et en se déportant vers un autre et retrouver un sens à la vie et un désir de se reconstruire.

Ce n’est pas l’acte de charité destiné à combler le manque à avoir qui est essentiel mais la réponse au manque à être et surtout de faire. Emmaüs s’est construit sur l’accueil inconditionnel, l’aide au plus souffrant qui n’est pas automatiquement le plus pauvre, et bien sûr le travail pour aider à aider.

Les premiers compagnons avaient compris que retrouver leur dignité passait par leur capacité de faire ensemble. Emmaüs s’est développé sur les dons, eux aussi destinés à aider à aider, et aussi sur les déchetteries, appelées, à l’époque, décharges.

C’est une expérimentation sociétale éminemment innovante, qui préside à ce jour au destin des 117 communautés accueillant plus de 6 000 compagnons tous les ans dans ces lieux de vie et de travail. Des bénévoles de l’ordre de 3 000 apportent compétences et continuité. A ces communautés s’ajoutent 90 structures d’insertion et 3 000 salariés. Emmaüs collecte et vend 290 000T de produits, générant 284 millions de chiffre d’affaire. La solidarité, contribution des communautés aux personnes et associations caritatives représente 20 millions d’€ par an !

Parce que l’assistanat est refusé, en entrant, le compagnon renonce au RSA, et à toute subvention de fonctionnement, Chacun trouve sa place et son utilité dans la vie communautaire et l’activité économique de récupération, sociale et solidaire.

Cette vie communautaire est caractérisée par l’absence de liens de subordination entre tous les acteurs (Compagnons, Responsables, Bureau) constitue une expérimentation démocratique dans les prises de décision communautaires.

Christophe Deltombe a été l’une des personnes à l’origine du statut de compagnon « personne accueillie qui travaille pour la communauté et pour lui en vue de sa réinsertion, sans lien de subordination » statut qui a été adopté en 2008 en dérogation à la législation sur la législation sur le travail.. « La transmission des savoirs se fait naturellement entre les compagnons, l’accueil des nouveaux en particulier des jeunes est le fait des anciens, le partage égalitaire va de soi, l’entraide ne se discute pas, la liberté de chacun est limitée naturellement par l’intérêt du groupe, l’Etranger est intégré comme le Français, et son apprentissage de la langue est accéléré par la vie communautaire »  Nous dit Christophe.

 

L’inscription résolue des communautés dans l’insertion sociale, le développement durable et l’économie solidaire, est l’axe majeur de fonctionnement des communautés Emmaüs.

Emmaüs Défi autre société d’insertion de personnes très éloignées de l’emploi, a des dirigeants qui ont choisi un travail social dont la rémunération est des plus « solidaire » parce qu’ils veulent un travail qui ait du sens pour eux. En terme d’activité, ils recrutent des personnes en perdition, SDF du bois de Vincennes par exemple. Pour cela Emmaüs Défi a créé le contrat à l’heure, permettant ainsi à ces personnes de revenir progressivement vers des contrats d’insertion. Là encore ce contrat à l’heure est déployé par d’autres association. Emmaüs Défi a aussi organisé sur toute la France Emmaüs Connect qui donne à des personnes sans ressources la possibilité de rester connectées avec leurs amis, familles, employeurs.. Enfin les Lulus dans ma rue qui proposent une série de petits travaux, bricolages, créant ainsi du lien social, complètent ces développements.

Depuis 60 ans Emmaüs a su déployer ses valeurs fondamentales de solidarité et de respect de l’autre et des autres en oeuvrant pour que chacun de ses membres retrouve sa dignité et sa fierté d’être quelqu’un qui « a de la valeur ».

Sa capacité à répondre aux questions toujours nouvelles rencontrées sur le terrain en a fait un laboratoire d’innovations sociales et surtout un exemple riche pour notre société individualiste et anonyme qui voit se déliter les solidarités familiales, professionnelles et de voisinage.

Beaucoup dénoncent, Emmaüs fait et les outils mis en oeuvre sont repris par d’autres associations.

Christophe Deltombe conclut son propos ainsi : « Une autre société est possible, fondée sur des valeurs de solidarité et d’acceptation des différences. C’est une certitude pour qui a croisé des compagnons Emmaüs. Ils vous le diront, car ils y croient. »

 

A propos Paul Philippe Cord

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