Lors de la journée d’Alternatiba du 26 septembre (mouvement alternatif citoyen lancé en septembre 2014 au pays Basque), le groupe de Grenoble de D&S a apporté sa contribution. Pendant la phase de préparation de cette journée, la commission « spiritualité » a dû changer de nom compte tenu des violentes réactions suscitées par le mot spiritualité associé à religions ; pour certains, il n’avait rien à faire dans la démarche du changement proposé par Alternatiba, d’où la décision de renommer la commission de préparation et l’espace correspondant « vivre sa nature« …!
Avec Élisabeth Letz (personne engagée dans le dialogue inter-religieux), l’association de jeunes Coexister et D&S, nous avons organisé deux échanges interreligieux rassemblant plus de 35 personnes avec un rabbin (malgré le jour de shabbat), un imam, des personnes de culture musulmane, deux maîtres bouddhistes zen, des protestants, des catholiques (dont la représentante du diocèse en charge des relations avec les musulmans), des athées et autres….
Nous avons distribué les extraits de l’encyclique « Laudato si« , la déclaration d’Istanbul des musulmans concernant l’environnement et la déclaration des représentants religieux français (catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman, bouddhiste). Nous avons en particulier noté l’impact positif du pape François et de son encyclique sur la prise de conscience écologique.
Nous avions proposé de témoigner autour de la thématique suivante : quel témoignage chaque participant pouvait partager à propos de la question sur le climat, la spiritualité et la pratique du jeûne ?
Pratique du jeûne et sobriété heureuse
Bouddhisme : Le Bouddha, après avoir testé le jeûne intégral, a conservé le principe d’un seul repas par jour végétarien quand l’environnement le permet ou non végétarien quand il y a peu de terre agricole comme au Tibet. Autre témoignage : la pratique de la diète associée à de la marche avec dénivelé, à de l’effort.
Islam : Le jeûne du Ramadan est très codifié : la dernière semaine, certains musulmans restent en continuité dans la mosquée. L’abus de nourriture chaque la nuit est une dérive de la bonne pratique. Le jeûne ne concerne pas seulement la nourriture, mais tout ce qui touche aux actions et pensées impures. La pratique du jeûne est à la fois un signe de purification, un enjeu pour la santé et aussi un partage du vécu de ceux qui souffrent de malnutrition ou famine.
Judaïsme : Trois points ont été abordés : la nourriture casher, « la fête des cabanes (Souccot) » et le jour du shabbat. La nourriture casher est un enjeu important et difficile à respecter dans notre société d’alimentation industrielle (par exemple comment respecter des interdits religieux portant sur le lait et la viande ?). Le projet des « fêtes des cabanes » a une dimension interreligieuse, d’ouverture aux autres : vivre pendant une semaine dans un cadre naturel, même en ville avec des repas très naturels et un sommeil abrité par une cabane en bois. Le shabbat est un jour de repos complet (24h) et d’abstinence de toutes sortes (travail, connexion internet, etc.), consacré au respect du Créateur.
Catholicisme : Jeûne du vendredi et du carême qui sont un peu tombés en désuétude
Croyance non confessionnelle et athéisme : Dans notre société d’abondance, le jeûne, en lien avec la sobriété heureuse (promue par Pierre Rabhi), concerne des aspects de santé, de purification et de respect de la nature, de partage de manière juste et non destructrice des produits de la terre. Rejet de la nourriture industrielle et hors de saison ou de celle qui a beaucoup voyagé. Le jeûne est une activité quotidienne pour chaque être vivant qui peut se décliner par un « dé-jeûner » important au lever, puis un repas moins conséquent à midi, puis un repas léger le soir, au « souper », en fonction des besoins énergétiques du corps. A prendre en compte cette croyance fausse que le jeûne impose le repos. La pratique de sports d’endurance comme l’alpinisme se conjugue fort bien avec un jeûne quasi intégral pendant 10 à 20 heures à condition de préserver le corps par une activité adaptée au niveau de difficulté. La mesure est simple : pas de crampes ou de courbatures au retour (ce qui est le contraire de ce qui se pratique actuellement dans les « ultra trails »). Le jeûne ou sobriété heureuse concerne aussi tous les types d’activités intellectuelles, le besoin de déconnexion numérique, le choix des films et des lectures, etc. Cette approche est très voisine de la culture du « lean » (production « maigre ») et de la pratique du « kaizen » ( amélioration continue, douce et graduelle, sans investissement, à petits pas en impliquant tous les acteurs du directeur à l’ouvrier) dans les industries et organisations depuis 1980 en Europe.
Lien entre spiritualité et climat ou environnement
Bouddhisme : Le climat, l’environnement et la personne ne font qu’un, il y a continuité. En se changeant soi-même, on change notre rapport au monde et chacun agit ainsi sur les autres. Chacun fait sa part avec humilité comme le colibri. Le respect de soi, des autres et le respect de l’environnement et de la vie en général sont un seul et même chemin. Plus de 20 responsables bouddhistes de toutes traditions ont publié une déclaration présentant leur vue spirituelle du changement climatique et la responsabilité urgente de trouver des solutions.
Islam: On peut reprendre à peu près le même état d’esprit. Le culte musulman a produit la déclaration d’Istanbul des musulmans sur le changement global.
Judaïsme : En août 2015, plus de 400 rabbins ont publié une lettre rabbinique.
Catholicisme et représentants religieux: La phrase du jour : Réchauffons nos cœurs pour éviter le réchauffement climatique. Voir l’encyclique du pape François et le texte des représentants religieux pour qui la crise climatique est un défi spirittuel et moral.
Croyance non confessionnelle et athéisme : Quelle que soit la croyance en un Dieu transcendant (pour les croyants) ou immanent pour les athées. Le fait que chacun soit là est constaté, mais ne peut pas être expliqué au niveau du pourquoi. Les sciences le tentent au niveau du comment. L’environnement comme les sciences, les cultures, les arts, les textes sacrés et de sagesse sont des productions de l’humanité. Ils doivent être respectés comme tel.
Entre chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, croyants universels, croyants sans religion et autres, nous avons eu des témoignages pleins de bienveillance et d’envie de se connaître ! En disant que ce qu’on appelle Dieu, l’Amour, la Vie, l’Univers, le Tout,… est bien plus grand que les religions qui peuvent être des chemins pour y accéder.
D’autant plus que ce n’est pas fini : Mounira, une femme musulmane, engagée dans la marche blanche d’Échirolles, nous a « réquisitionnés », à commencer par les jeunes de Coexister qui avaient un stand à côté de D&S, pour participer le vendredi 2 octobre à la grande rencontre étant la journée mondiale de la non-violence et le jour anniversaire de la première marche blanche suite au meurtre de Kévin et Sofiane à Échirolles, il y a 3 ans. Drame qui a inspiré la chanson de Calogéro « Un jour au mauvais endroit ».
JC Serres et Régis Moreira