Intervention de Régis Moreira, membre de l’ACO (action catholique ouvrière) de Grenoble à l’occasion de la visite pastorale de l’évêque du diocèse Grenoble-Vienne Mgr Guy De Kérimel, le 11 décembre 2009, dans la paroisse de la Sainte Trinité à Grenoble.
« Merci Père, pour votre message concernant le travail le dimanche. Sur mon lieu de travail à France Télécom je l’avais affiché sur le panneau des infos diverses, il fut commenté favorablement, photocopié et même affiché sur le panneau de la CGT pendant 15 jours.
J’aime cette Eglise- là qui s’engage, je suis fier d’être chrétien et je dirai même plus, fier d’être catholique.
J’aimerais que l’Eglise prenne plus souvent la parole, pour évoquer la question sociale, la pauvreté plutôt que les questions de sexualité. L’Eglise sera entendue dans le monde du travail, si elle parle de la souffrance des personnes qui travaillent ou de celles qui sont sans travail. Le travail dans beaucoup d’entreprises est source de stress, de mal être et de souffrances, générant des problèmes dans les familles, aboutissant parfois à des divorces.
Comment ne pas s’interroger concernant les pratiques de certains patrons dits chrétiens ou catholiques ?
Le travail, ce n’est plus la santé depuis très longtemps pour beaucoup de salariés, surtout depuis que les financiers avec leurs fonds spéculatifs gouvernent les entreprises, en demandant des taux exorbitants de retour sur investissement. Une seule chose compte aux yeux du patronat : notre productivité, notre valorisation financière, car un travailleur est vécu avant tout comme une charge…
« Combien on rapporte » ? Il n’y a que ça qui compte vraiment. Travaillant à France Télécom, j’aurais aimé entendre mon évêque prendre la parole à propos des suicides de cet été. Une parole avec l’éclairage des Evangiles aurait été entendue, débattue, écoutée avec respect. Elle est attendue ! La vie au travail, la souffrance du travail mal fait car il faut aller très vite, l’isolement au travail derrière son ordinateur, des outils informatiques nombreux et très complexes à mettre en œuvre, servir le client de plus en plus exigeant, l’esprit d’équipe disparu, l’impasse de l’espérance dans ces conditions de travail, et paradoxalement la mort comme unique issue.
Ce sont des thèmes qui interrogent notre foi, nous ne sommes pas des robots. Je connaissais Jean Paul R. qui s’est suicidé à Annecy, C’était mon collègue, un militant CGT épris de justice sociale. Comment a-t-il pu mettre fin à ses jours alors qu’il était, selon son beau frère, un « être d’amour », qu’il avait une femme, deux enfants et qu’il était animateur dans un club de football. Lui, qui espérait un monde meilleur, n’a plus trouvé de force que pour sauter d’un pont et mourir.
J’aurais aimé aussi une autre parole sous le regard de l’Evangile concernant tous ces licenciements sur le bassin de Grenoble et de l’Isère (Caterpillar, Yahoo, Gripp…) liés à la crise économique ou à son prétexte pour restructurer et délocaliser. Je pense que la question sociale est centrale pour l’évangélisation du monde d’aujourd’hui, en proposant son regard sur une actualité qui ne manque pas de nous interroger. L’Eglise contribuera à replacer l’homme au centre de nos sociétés et non l’économie.
Etre chrétien au travail, c’est s’engager notamment en adhérent à un syndicat pour réhumaniser le travail et tisser des liens de solidarité. Le capitalisme, la course au profit, c’est le dieu argent qui broie les êtres humains depuis longtemps. La société de marché avec la concurrence libre et non faussée impose des conditions de travail déshumanisantes, où tout doit être marchandisé. L’Evangile nous indique un autre type de société, faites le savoir ! Il faut réhumaniser le travail. L’Evangile, la Bonne Nouvelle est notre guide pour faire cette réhumanisation du travail, ceci doit être porté par notre évêque. »