Démocratie et spiritualité
Écho de l’Université d’été 2021
Patrick Boulte – 29.9.21
Au cours de l’université d’été de Démocratie et spiritualité, dont le thème était, rappelons-le : « Quel sursaut spirituel pour faire face aux défis auxquels est confrontée la démocratie ?», nous avons eu le privilège d’entendre, entre autres, Philippe Aubert qui, à lui seul, est un exemple de combat impossible de conquête de la solidité personnelle nécessaire pour assumer sa citoyenneté. Handicapé de naissance, les quatre membres entravés, privé de parole, totalement dépendant, il nous a donné un aperçu de son expérience de la « possibilité de sortir du sentiment d’impossibilité », de la mobilisation de son intériorité pour se rendre capable d’interagir, de dépasser son « désarroi », et la « tentation de rester spirituellement immobile ».
Aperçu seulement, car qui pourrait imaginer ce qu’il lui a fallu de labeur pour s’imaginer une capacité, d’abord de vivre, ensuite d’exister, de prendre figure aux yeux des autres, de rentrer en communication avec eux, de ne pas se laisser réduire à sa différence, malgré l’évidence de celle-ci ? Une partie de son combat est retracé dans son livre qui porte le titre explicite : « La rage d’exister » ; ce combat qui consiste, entre autres, à lutter farouchement contre les tentatives institutionnelles, si souvent répétées, de le reléguer dans des espaces appropriés où il est permis de vivre (notre ultime préoccupation), mais non d’exister, et à faire valoir son droit à être assisté, non seulement par des aides de vie à plein temps, mais par des interprètes capables de comprendre son langage (par des mouvements de la tête, auxquels s’ajoute aujourd’hui un suivi de son regard vers les touches d’un clavier d’ordinateur, capable de transcrire par une parole enregistrée ce qu’il « écrit » ainsi) et de le traduire. Ces assistances humaines qu’on ne saurait saluer suffisamment et qui font qu’exister devient une œuvre collective, non totalement prises en charge et auxquelles sa famille a consacré son patrimoine et au-delà, lui ont permis de faire des études supérieures et d’exercer un rôle professionnel.
Trente-sept ans (l’âge de Philippe Aubert) à conquérir son humanité et à y tenir au quotidien, n’était-ce pas l’exemple dont nous avions besoin à cette université d’été pour croire à la faisabilité du projet induit par le titre que nous lui avions donné ?